Algérie-Maroc: laisser le gazoduc "mourir de sa plus belle mort"

La fin de l’exploitation du gazoduc Maghreb-Europe qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc a été annoncée à Reuters par "trois sources algériennes". Pour l’heure, ni le gouvernement algérien ni la compagnie pétrolière Sonatrach n’ont confirmé la non-reconduction du contrat qui a pris effet le 1er novembre 1996.
Sputnik
Fin de mission pour le gazoduc Maghreb-Europe (GME) après 25 ans de service. La crise politique qui oppose l’Algérie au Maroc a eu raison de ce pipeline d’une longueur de 1.300 kilomètres qui a nécessité la pause de 120.000 tubes entre le champ gazier de Hassi R’Mel et la ville de Cordoue. Lundi 25 octobre, la décision de ne pas reconduire le contrat entre l’Algérie et l’Espagne a été confirmée à l’agence de presse Reuters par "une source au sein de la société publique pétrolière et gazière Sonatrach et deux sources gouvernementales algériennes".
Une décision qui aura des conséquences économiques et sociales sur le Maroc qui prélevait chaque année environ un milliard de mètres cubes de gaz naturel. Une quantité utilisée essentiellement dans la production d’électricité.
Dernier souffle
Contacté par Sputnik, Abdelmadjid Attar, ancien ministre algérien de l’Énergie, constate qu’à part une déclaration du Président Abdelmadjid Tebboune laissant entendre cette décision, le gouvernement algérien n’a pas fait d’annonce officielle sur ce sujet.

"Lors d’une récente interview, le Président de la République avait déclaré que l’Algérie utiliserait le Medgaz [second gazoduc qui traverse la Méditerranée, ndlr] pour approvisionner l’Espagne. Reste maintenant à savoir si le fait de ne plus utiliser le gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui traverse le Maroc, a été officialisé. Si le gouvernement et la Sonatrach ont décidé de ne plus reconduire le contrat de transport de gaz via le Maroc et de le laisser mourir de sa plus belle mort, le gazoduc rendra son dernier souffle le 31 octobre à minuit", note Abdelmadjid Attar qui a également été PDG de la Sonatrach.

Algérie-Maroc: «Un retour à la situation antérieure est absolument exclu dans le présent et dans l'avenir»
La rupture des relations entre les voisins maghrébins aura nécessairement des conséquences sur l’Espagne et le Portugal, deux principaux clients de l’Algérie. En fait, le souci se pose sur le plan des capacités de transport du gazoduc sous-marin Medgaz qui relie Beni Saf, en Algérie, au port espagnol d’Alméria sur une distance de 210 kilomètres. Actuellement de huit milliards de mètres cubes il passera à 10,5 milliards de mètres cubes au courant du mois de novembre 2021 à la faveur de l’entrée en fonction d'un quatrième turbocompresseur. Les capacités du GME sont plus importantes, puisqu’elles atteignent les 13,5 milliards de mètres cubes. Abdelmadjid Attar indique que les capacités de gaz injectées dans Medgaz ne dépendent pas seulement du contrat, mais surtout des saisons.

"En période hivernale, les quantités augmentent et il faudra donc utiliser toutes les capacités du gazoduc. Les quantités fournies fluctuent d’un mois à un autre, tout est lié à la consommation en Europe. Si Medgaz ne parvient pas à transporter les quantités nécessaires durant les périodes de fortes tensions, la Sonatrach pourra toujours livrer du gaz naturel liquéfié (GNL) par voie maritime. L’Algérie dispose d’une grande capacité de liquéfaction, donc tout sera lié aux capacités de gazéification de l’autre côté de la Méditerranée et surtout à la disponibilité des méthaniers pour transporter ce gaz", explique-t-il.

La piste italienne
Ce contexte exceptionnel provoquerait une plus grande disponibilité de gaz naturel que la Sonatrach devra placer sur des marchés extérieurs autres que ceux de la péninsule ibérique. "Le gaz disponible devra donc être placé dans les marchés extérieurs soit sous forme de GNL soit à travers le gazoduc Transmed qui relie l’Algérie à l’Italie à travers la Tunisie", estime Abdelmadjid Attar. À ce titre, il cite l’intervention sur Radio M de Nordine Aït-Laoussine, lui aussi ancien ministre de l’Énergie, qui a abordé la question de l’utilisation de Transmed pour atteindre d’autres marchés en Europe.
Cet hiver, l’Algérie sera donc confrontée à un double défi: respecter ses engagements contractuels avec l’Espagne et le Portugal et placer un maximum de mètres cubes de gaz naturel sous forme de GNL ou à travers son pipe qui la relie à l’Italie. L’objectif étant de profiter de la flambée du prix du gaz naturel qui est passé de 1,7 dollar le million de BTU en 2020 à 8,6 le million de BTU en 2021.
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La situation est bien plus compliquée pour le Maroc qui devra trouver le moyen de remplacer le milliard de mètres cubes de gaz algérien qu’il utilise pour produire de l’électricité. En plus de l’achat de grandes quantités de GNL, Rabat serait actuellement en discussion avec Madrid pour acquérir du… gaz algérien. Dans une dépêche publiée le 18 octobre, Reuters reprend les propos d’un "haut responsable marocain" qui annonce des discussions avec l’Espagne pour "inverser le flux du gazoduc". Le Maroc place également ses espoirs sur le projet de gazoduc qui reliera le Nigeria à l’Europe. Encore au stade de l’étude, ce mégaprojet nécessitera la réalisation d’un pipeline sous-marin de plus de 5.000 kilomètres sur une vingtaine d’années. Quelle que soit la formule, il est évident que le Maroc paiera au prix fort sa brouille avec l’Algérie.
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