Hassan Nasrallah tape du poing sur table. Très remonté, le secrétaire général du Hezbollah est revenu sur les évènements qui ont secoué Beyrouth jeudi 14 octobre. Il accuse ouvertement le parti chrétien des Forces libanaises de Samir Geagea d’être responsable de la mort de sept partisans d’Amal et du Hezbollah. Le tandem chiite avait organisé une manifestation devant le palais de Justice, qui s’est rapidement transformée en véritable scène de guérilla urbaine. Des francs-tireurs embusqués dans les immeubles avaient tiré sur la foule, entraînant une réplique musclée des partis chiites.
Des heurts qui ont alimenté la crainte d’une nouvelle escalade des violences au Liban. "Je conseille aux Forces libanaises et à leur chef de renoncer complètement à l’idée de la guerre civile et à celle de conflit intérieur", a averti le leader chiite. Visiblement pour dissuader le parti chrétien de commettre l’irréparable, Hassan Nasrallah a affirmé que le Hezbollah disposait "de 100.000 combattants, entraînés et armés". Un chiffre pourtant difficile à confirmer, la plupart des sources faisant état d’environ 45.000 combattants, dont la moitié de réservistes.
Soldats du Hezbollah entraînés en Syrie
Mais peu importe le nombre, c’est "le message qui est important", affirme dans un commentaire à Sputnik un membre du Hezbollah, qui a préféré garder l’anonymat.
"100.000 ou 150.000, ce n’est pas le chiffre qui importe. C’est une manière de dire à nos ennemis que nous disposons de suffisamment de soldats aguerris pour faire face à une menace extérieure ou intérieure. C’est une force mise au service du Liban et non contre le Liban. Le Hezbollah ne veut pas tomber dans le piège de la guerre civile, mais saura se défendre contre toute attaque le visant."
Comme l’a mentionné Hassan Nasrallah, les combattants du parti sont entraînés. Et c’est peu dire, depuis le début du conflit syrien en 2011, près de 8.000 soldats du Hezbollah auraient combattu auprès des troupes de Bachar el-Assad. Environ 2.000 hommes seraient morts sur le terrain. Mais cette intervention en Syrie a surtout permis au parti chiite d’opérer sur un théâtre d’opération plus vaste et de contrôler plusieurs régions stratégiques à la frontière libanaise. La guerre syrienne fut également une zone d’entraînement: "il y avait un roulement, chaque réserviste devait partir au moins deux mois en Syrie pour parfaire son apprentissage sur le terrain", nous apprend le membre du parti chiite.
Mais le chef du parti libanais est allé encore plus loin dans son avertissement à l’égard des Forces libanaises. "Votre calcul est mauvais, la région n’a jamais connu un Hezbollah aussi puissant que maintenant", a-t-il menacé. Et pour cause, le Hezbollah disposerait d’un puissant arsenal. Il est la seule formation au Liban à avoir pu conserver légalement ses armes après la fin de la guerre civile (1975-1990), au nom de la "résistance" contre Israël.
Le Hezbollah collaborerait avec… la Corée du Nord
Pour ce qui est des roquettes, le parti chiite exploite plusieurs modèles de Katiouchas pouvant aller de 40 kilomètres (courte portée) à plus de 200 kilomètres (longue portée) avec le Zelzal 1 et 2, le Fateh-110 et le M-600. D’ailleurs, "s’il y avait un conflit ou une guerre avec le Hezbollah, nous nous attendons à ce qu’il y ait au moins cinq fois plus de roquettes tirées chaque jour du Liban vers Israël. Cela ferait entre 1.500 et 2.500 roquettes", a affirmé le 17 octobre le général israélien Uri Gordin. À en croire ce décompte, le Hezbollah disposerait au total de près de 150.000 roquettes.
De surcroît, il possède également des missiles antinavires Yakhont, d’une portée de 300 kilomètres et de 200 kg de charge utile. À cela s’ajoutent les nombreux missiles antichars, du RPG classique au Kornet, qui ont fait leurs preuves contre les chars israéliens Merkava en 2006. Un tel armement lui a valu le titre d’"acteur non étatique le mieux armé du monde", décerné dans un rapport du Center for Strategic and International Studies en 2018.
"Les armes sont majoritairement soviétiques ou russes. Elles étaient au départ destinées à l’Iran ou à la Syrie. Puis elles ont transité vers le territoire libanais. Le mouvement [le Hezbollah, ndlr] essaye de créer ses propres missiles", poursuit le membre du parti chiite libanais.
Mais pour le moment, le Hezbollah compte essentiellement sur les subsides de l’Iran pour développer son arsenal. Selon un rapport du Pentagone datant de 2020, Téhéran aide le mouvement chiite libanais à hauteur de 700 millions de dollars par an. Le Hezbollah recevrait également des centaines de millions de dollars de la part de la diaspora libanaise présente en Afrique de l’Ouest et en Amérique du Sud. Mais l’Iran ne serait pas son seul soutien étatique. Le parti de Dieu aurait recueilli l’aide de… Pyongyang. Selon un rapport américain de 2007, la Corée du Nord aurait entraîné et formé des ingénieurs du Hezbollah pour la fabrication de missiles. Un lien qui a été confirmé en août 2021 par les médias israéliens après la découverte d’un projet de construction de 45 km de tunnels avec la participation d’une entreprise nord-coréenne.
Les Forces libanaises sont prévenues, le Hezbollah est lourdement armé.