Malgré l’obsession de nos dirigeants et des observateurs pour les armements, la force militaire n’est pas tout. Les campagnes d’influence, de "soft power", menées par les États sont également cruciales pour asseoir une puissance.
L’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) a récemment publié un rapport intitulé "Les opérations d’influence chinoises, un moment machiavélien". On peut y lire que "s’il y a eu des soupçons d’ingérence chinoise dans le référendum de 2018 sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et si Pékin suit de près la progression du camp indépendantiste confirmée par le référendum de 2020, c’est parce qu’une Nouvelle-Calédonie indépendante serait de facto sous influence chinoise". Or, en décembre prochain, la Nouvelle-Calédonie est amenée à se prononcer par référendum pour la troisième fois sur son indépendance.
Alors, après que la France a été mise à l’écart par ses alliés anglo-saxons de l’Aukus –la nouvelle alliance militaire entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie dirigée contre Pékin–, risque-t-elle maintenant de perdre une partie de son territoire au profit de la Chine?
Pierre Picquart, docteur en géopolitique et en géographie humaine à l’université de Paris-VIII, spécialiste de la Chine et du monde chinois, considère que la question de l’influence chinoise se pose depuis le développement de la Chine au-delà de ses frontières:
La Chine a une diplomatie de pragmatisme et de développement de l’économie. Elle développe une politique de partenariats gagnant-gagnant avec l’ensemble des pays qui veulent travailler avec elle."
La Chine va-t-elle prendre sous sa coupe ce territoire qui est pour l’instant un territoire français? L’universitaire n’y croit pas:
La Chine va certainement investir en Nouvelle-Calédonie. Elle cherche à conquérir des parts de marché. Mais elle ne se positionne pas sur une stratégie d’implantation guerrière, plutôt sur une stratégie commerciale et économique. Ce sont nous, les Occidentaux, qui avons une vision déformée de ce que veut la Chine car on voudrait qu’elle agisse comme nous-mêmes, comme un État impérialiste. La Nouvelle-Calédonie ne représente pas un intérêt particulier. Elle s’inscrit dans des intérêts de partenariat."
L’expert explique que la présence chinoise en Nouvelle-Calédonie est incarnée et véhiculée par une diaspora:
La diaspora chinoise est la plus importe et la plus riche dans le monde par rapport aux autres diasporas. Elle est bien présente en Nouvelle-Calédonie puisque l’ensemble des migrants chinois d’autres siècles se sont éparpillés un peu partout dans le monde et depuis des temps fort anciens. Donc il y a une culture chinoise avec les nouveaux arrivants et ceux des anciennes générations. Ces personnes sont des relais naturels de la Chine dans le pays."
D’après Picquart, l’Occident est coupable de s’accrocher à une vision datée du monde qui n’est pas partagée par la Chine:
Il n’y a pas de volonté chinoise de s’accaparer la Nouvelle-Calédonie, c’est une vision dantesque. Plutôt que de se baser sur des schémas anciens, néocolonialistes qui visent à dominer d’autres peuples, la Chine a clairement défini son programme qui est fondé sur la coopération."