Poutine: "les Européens visent la neutralité carbone aux dépens de la Russie"
Lors d'une réunion avec les responsables du secteur énergétique russe, Vladimir Poutine a évoqué plusieurs points importants, commentant notamment la flambée des prix record du gaz en Europe, la place du charbon dans le secteur énergétique, ainsi que les aides possibles pour sortir de la crise.
SputnikTandis que Moscou essaie de construire un dialogue dans le domaine de l’énergie en prenant en compte les intérêts de toutes les parties, les Européens tentent de maintenir la neutralité carbone aux dépens de la Russie, a estimé ce mercredi 6 octobre le Président russe lors d'une réunion avec les responsables du
secteur énergétique russe.
"Comment est-il possible de lutter pour la neutralité carbone si la production énergétique en Europe, en ce qui concerne la production de charbon, est deux fois supérieure à celle de la Russie, si on prend l’exemple de l’Allemagne? Apparemment c'est possible, et ils [les Européens, ndlr] le font. Et ils essaient de le faire au détriment des autres; dans ce cas, au détriment de la Russie", a indiqué le Président russe.
Il a ainsi répondu aux propos du président du conseil d'administration d'Inter RAO, entreprise russe faisant partie de l'indice de la bourse de Moscou, qui avait attiré son attention sur la production de charbon en Allemagne au cours de l'année, qui représente 27% de sa production énergétique, contre 13% en Russie, sur fond de lutte pour la neutralité carbone.
"J'espère que nous construirons un dialogue approprié en tenant compte des intérêts de toutes les parties du marché mondial de l'énergie", a ajouté M.Poutine.
De plus, il a insisté sur l’importance du gaz, carburant plus propre qui remplacera le charbon. Se référant à des prévisions d’experts internationaux, le chef de l’État a expliqué que la demande en charbon, surtout dans les pays d'Asie du Sud-Est, augmenterait légèrement au cours des cinq prochaines années, avant de se stabiliser dans 10-15 ans, pour ensuite commencer à diminuer.
Par ailleurs, la décision de l’Union européenne de sortir de contrats de livraison à long terme a dernièrement provoqué une
flambée des prix record du gaz, a ajouté Vladimir Poutine. Selon lui, la Commission européenne a commis une erreur dont les conséquences ont des répercussions aujourd’hui sur le marché de l’énergie.
Ce ne sont "pas des montres, culottes ou cravates"
Pour le Président russe, les transactions boursières sur le gaz ne portent pas leurs fruits, car le processus technologiquement est compliqué.
"Dans l'ensemble, le commerce boursier du gaz n'est pas très efficace, car il présente de nombreux risques. Il ne s'agit pas de montres, culottes ou cravates, ni de voitures. Ce n'est même pas le pétrole que vous pouvez stocker n'importe où, y compris à bord des pétroliers, en attendant une certaine situation sur le marché. Mais le gaz n'est pas négocié comme ça, on ne peut pas le stocker comme ça", martèle-t-il.
Vladimir Poutine a fait remarquer que même le gaz naturel liquéfié (GNL) devait être produit, liquéfié, chargé à bord des navires-citernes, livré, avant d’être regazéifié.
Des propositions de sortie de crise
Alors que d’après le Président russe, la
situation actuelle sur le marché européen désavantage la Russie, Alexandre Novak, vice-Premier ministre russe, a proposé deux options pour aider à faire face à la crise énergétique en Europe.
"Nous n'avons pas besoin d'une telle agitation spéculative. Comme on le sait, il y a d'autres événements désagréables derrière ces agitations", regrette Poutine.
La première solution avancée par Alexandre Novak est de lancer rapidement le gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l'Europe sous la mer Baltique; la deuxième est d'augmenter le volume des appels d'offres sur le site de commerce électronique Gazprom à Saint-Pétersbourg, avançant que cette dernière démarche pourrait faire tomber "l'effet spéculatif".
Le Président russe a soutenu l'idée d'augmenter l'offre du gaz sur le marché.
"Si cela fait tomber une demande agitée, on peut le faire, mais pas à notre détriment, bien sûr".
Transit de gaz via l'Ukraine
Quant au transit de gaz via l’Ukraine, source de nombreuses "spéculations", Vladimir Poutine a assuré que la Russie transférerait via son territoire 40 milliards de mètres cubes par an.
"Nous voyons diverses spéculations au sujet du transport et du transit de gaz par les gazoducs ukrainiens [...]. Je voudrais souligner que nos engagements contractuels prévoient le transfert de 40 milliards de mètres cubes par an via le système de transport de gaz naturel de l'Ukraine", a-t-il ajouté.
Et de rappeler qu'en neuf mois de 2021, le géant gazier russe Gazprom a augmenté le volume de gaz transitant par l'Ukraine de plus de 8%.
"On peut ainsi dire avec certitude que nous dépasserons nos engagements contractuels sur le transfert de gaz via le territoire ukrainien", a noté le Président.
Quels risques et inconvénients?
La Russie est capable d'augmenter davantage ses livraisons via l'Ukraine, bien que cela présente des risques, a-t-il prévenu, puisque la montée de pression dans les tubes ukrainiens, non réparés depuis des décennies, peut entraîner des accidents.
En plus, cette idée n'est pas profitable d’un point de vue économique et écologique. Le transport de bleu par les nouveaux gazoducs dotés d'équipements modernes, comme le Nord Stream 2, permet de reduire les émissions de dioxyde de carbone et coûte près de trois milliards de dollars moins cher à Gazprom.
"Ne mettre personne dans une situation délicate"
Tout en reconnaissant qu’il serait mieux pour le groupe russe d'intensifier les livraisons en Europe par les nouveaux gazoducs et de payer une amende à l'Ukraine, M.Poutine a estimé qu'il ne fallait pas le faire.
La Russie doit pleinement respecter ses obligations contractuelles en matière de transit de gaz vers l'Europe via l'Ukraine, a rappelé le Président.
"Il ne faut mettre personne dans une situation délicate, y compris l'Ukraine, malgré l'état actuel des relations russo-ukrainiennes. Ensuite, il ne faut aucunement saper la crédibilité de Gazprom en tant que partenaire absolument fiable à tous les égards", poursuit-il.
Gisements à structure complexe à l'ordre du jour
Poutine a également fait savoir que la Russie devait prendre des mesures supplémentaires pour continuer d'exploiter ses anciens gisements découverts à l'époque de l'URSS:
"Il ne faut pas oublier les gisements exploités depuis des décennies. Il faut prendre les mesures nécessaires pour que la production soit équilibrée".
C’est le gouverneur du district russe autonome de Iamalo-Nénétsie, Dmitri Artioukhov, qui a attiré l’attention du Président sur les anciens gisements et ceux à structure complexe. Il a demandé à Vladimir Poutine de lancer un programme visant à mettre en valeur ces réserves.
"Nous vous demandons d'élaborer un programme pour l'exploitation des gisements de gaz à structure complexe de la péninsule de Yamal. Il s'agit, bien sûr, d'une commande importante pour l'industrie, d'immenses recettes fiscales et, ce qui est très important [...] d'une production de gaz plus équilibrée", expose Dmitri Artioukhov.
La reprise économique en Europe et ses stocks de gaz insuffisants comptent parmi les facteurs ayant exacerbé la crise énergétique sur le continent.
Les livraisons de gaz à l'Europe par Gazprom sont déjà proches d'un record, a pointé ce 6 octobre le porte-parole du Président russe, Dmitri Peskov.