«Il y a toujours un décalage entre le discours, idéaliste et idéologue, et la réalité de la politique menée. Surtout chez les Démocrates», observe le géopolitologue Roland Lombardi.
La Maison-Blanche a entériné un contrat de maintenance de la flotte d’hélicoptères de l’Arabie saoudite. Plus précisément, des engins d’attaque Apache et Black Hawk, ainsi que de la future flotte d’hélicoptères de transport Chinook. Estimé à hauteur d’un demi-milliard de dollars, c’est le premier contrat conclu avec le royaume depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, a annoncé jeudi le département d’État. Le deal est estimé à hauteur d’un demi-milliard de dollars.
Guerre au Yémen et assassinat du journaliste Jamal Khashoggi
Une décision en rupture totale avec les promesses du candidat démocrate, et même avec ses premiers engagements une fois entré en fonctions. En effet, une fois arrivé au pouvoir, le quarante-sixième Président US prétendait «recalibrer» la relation des États-Unis avec le royaume et mettre «fin au soutien américain à la coalition saoudienne.»
L’assassinat sauvage de Jamal Khashoggi, éditorialiste au Washington Post, et le violent engagement saoudien au Yémen avaient d’abord poussé post Joe Biden à tenir Mohammed Ben Salmane (MBS) et son gouvernement à distance, pour des raisons politiques liées aux droits de l’homme. La nouvelle Administration avait également à cœur de se différencier de la précédente, très proche du prince héritier saoudien.
«MBS était le vilain petit canard aux yeux de la nouvelle Administration, aussi parce que, sous Donald Trump, il avait été protégé, au nom de sa politique régionale», explique au micro de Sputnik Roland Lombardi, historien et analyste des problématiques géopolitiques liées au Moyen-Orient
En effet, dans la confrontation régionale qui oppose l’Arabie saoudite et l’Iran, l’Administration Trump soutenait ouvertement l’Arabie saoudite, quitte à fermer les yeux sur les débordements de Riyad.
Aux premières heures de sa présidence, Joe Biden avait pris des mesures fortes pour infléchir ces tropismes. Entre autres, la déclassification d’une note des renseignements mettant en cause la responsabilité directe de MBS dans l’assassinat de Khashoggi, et la décision de ne plus avoir MBS mais son père comme interlocuteur préférentiel. «L’homologue du Président est le roi Salmane et il aura un échange avec lui le moment venu», soulignait en janvier Jen Psaki, porte-parole de l’exécutif américain, lors de son point de presse quotidien.
MBS, seul interlocuteur crédible?
Ce changement de cap opéré par Joe Biden vis-à-vis des dirigeants saoudiens n’a toutefois rien de surprenant, à en croire Roland Lombardi:
«Les Démocrates n’ont pas d’autre alternative que MBS. Il est incontournable. Ils doivent composer avec lui», explique le chercheur.
Et ce d’autant plus, «depuis qu’il a fait le ménage autour de lui», ajoute notre intervenant. En effet, depuis 2017, le prince héritier a nettoyé une grande partie de son opposition politique et clanique. Lors de cet épisode qualifié de «purges» par la presse internationale, le jeune MBS a enfermé ses opposants au nom de la lutte contre la corruption. Le but? Garantir son accession au pouvoir après la mort de son père.
Un interlocuteur quasi unique, qui a les moyens de se rappeler au bon souvenir de la Maison-Blanche. L’Arabie saoudite reste un marché crucial pour les fabricants d’armes américains. D’ailleurs, Donald Trump avait choisi de s’y rendre pour son premier voyage présidentiel à l’étranger en 2017. Il était revenu avec, dans son escarcelle, 380 milliards de dollars de contrats entre Riyad et Washington, dont 110 milliards de commandes d’armement. Ses prédécesseurs démocrates n’avaient pas craché non plus sur les pétrodollars. Le grand moralisateur Barack Obama himself avait approuvé la vente au royaume de près de 115 milliards de dollars de matériel militaire. Comme quoi, les pratiques américaines survivent sans encombre aux aléas des urnes...