Le FSB partiellement en phase avec CNN, média à l’avant-garde des accusations à l’encontre de Donald Trump de collusion avec la Russie, qui l’eu cru? Pourtant, le 8 septembre, un porte-parole du service fédéral de sécurité russe (FSB) a salué les informations «absolument fiables» de la chaîne américaine.
«Selon les responsables du renseignement ukrainien, l’opération dirigée par les Ukrainiens a obtenu de l’argent américain, une assistance technique et des conseils de la CIA sur la façon d’attirer les mercenaires russes», relate CNN.
Des allégations «fausses», selon un «haut responsable américain» contacté par la chaîne câblée, qui confirme toutefois que la CIA était au courant de l’opération. Pour mémoire, en juillet 2020, en banlieue de Minsk, 32 Russes étaient arrêtés par un commando des forces spéciales du KGB, le Comité de la sécurité d’État de la République de Biélorussie.
Selon le récit développé par l’enquête de CNN, témoignages d’anciens «hauts gradés» du renseignement militaire ukrainiens à l’appui, cette arrestation musclée en Biélorussie solda l’échec d’une opération rondement préparée. En effet, tous ces Russes pensaient être en transit pour le Venezuela. En réalité, ils étaient dans la nasse d’un (double) piège tendu par Kiev et n’auraient jamais dû atteindre leur destination.
Appâtés avec de fausses offres d’emploi rémunérées 5.000 dollars
L’avion devait en effet atterrir en Ukraine, avec à son bord des dizaines de «criminels de guerre russes» supposés, afin de les juger pour leurs «exactions» commises dans le Donbass. En somme, il s’agissait d’enlever des citoyens étrangers sur le territoire d’un autre pays. Pour parvenir à leurs fins, les agents ukrainiens auraient créé une fausse société militaire privée (SMP) sur le site de laquelle ils ont posté des petites annonces pour des jobs de sécurisation de sites pétroliers au Venezuela.
Avec une rémunération mensuelle de 5.000 dollars à la clef (cinq fois le salaire moyen en Russie), ils auraient été des «centaines» de Russes à mordre à l’hameçon, relate à CNN l’un des anciens gradés ukrainiens. Contactés afin de prouver leurs états de services, nombre de postulants se seraient alors gargarisés de divers faits d’armes en Ukraine pour s’assurer de décrocher leur job, fournissant ainsi d’eux-mêmes des éléments à charges à leurs futurs geôliers. Selon les dires du renseignement ukrainien relayés par la chaîne US, deux demandeurs d’emploi auraient été dans le Donbass «lorsque le missile qui a abattu le MH17 a été lancé».
«Pour dissiper tout soupçon», aux 28 meilleurs dossiers retenus, les chasseurs de têtes ukrainiens en auraient ajouté cinq sans lien avec de quelconques «actes illégaux» en Ukraine. Le pool de champions a alors été transporté en minibus jusqu’à Minsk, d’où ils devaient s’envoler –pensaient-ils– pour Caracas, via la Turquie. En réalité, l’appareil devait donc se poser au bout de quelques centaines de kilomètres, une fois la frontière ukrainienne franchie.
Une opération ukrainienne d’infiltration presque «parfaite»
Tout se passait comme sur des roulettes. Mais une fois à Minsk, «il y a eu du retard. Les recrues ont été informées qu’il leur faudrait quelques jours avant qu’elles puissent pouvoir partir et ont été transférées au sanatorium de Belorusochka»… jusqu’à cette nuit fatidique du 29 juillet où tout serait parti en vrille, «quelques heures seulement avant le départ du groupe, selon les sources de CNN», relate le média.
18 mois de préparations étaient en train de «tomber à l’eau». Mais n’était-ce pas là une drôle d’idée que de ponctuer ce travail de longue haleine par une escale à Minsk… la veille des élections présidentielles biélorusses?
En effet, lorsque le KGB de la Biélorussie déboule arme au poing dans les chambres d’hôtel des aspirants mercenaires, nous sommes à dix jours du scrutin. Le pays est alors traversé par des manifestations politiquement soutenues par les chancelleries occidentales et, comme le relate l’agence de presse BeITA dans son communiqué annonçant l’arrestation de ces Russes présentés comme membre de la SMP Wagner, les autorités biélorusses avaient reçu des informations selon lesquelles plus de 200 individus étaient arrivés dans le pays pour déstabiliser la campagne électorale. Drôle de coïncidence? Clairement pas, estime Moscou.
Moscou, accusé d’avoir fomenté une opération contre Loukachenko
Après l’arrestation de ces 32 Russes, présentés comme ayant «une réelle expérience au combat», un doigt accusateur fut pointé vers le Kremlin. Dans les jours qui suivirent, les relations entre la Russie et son voisin et partenaire biélorusse devinrent exécrables. Incrédules, les Russes détenus expliquent qu’ils avaient reçu l’ordre d’«attendre» à Minsk l’arrivée de «plusieurs autres groupes». Alexandre Loukachenko ne souscrit pas à cette version et, le 4 août, accuse Moscou de «tentative d’organiser un massacre au centre de Minsk» à la veille des élections. Même les médias occidentaux en restent perplexes et émettent de sérieux doutes sur le fond de toute cette histoire. En France, seuls quelques «spécialistes» de la Russie coutumiers des plateaux télé cèderont à leur anti-poutinisme compulsif.
Côté russe, le 7 août 2020 le quotidien Komsomolskaïa Pravda révèle que les enquêteurs russes ont retrouvé la trace d’autres citoyens de la Fédération de Russie s’apprêtant à partir pour la Biélorussie: tous pensent se rendre au Venezuela. Ils auraient été 180 candidats à l’expatriation en tout, répartis en cinq groupes. Le 17 août, les 32 Russes appréhendés seront rendus à Moscou.
Le 27 août 2020, lors d’une intervention sur la chaîne Rossiya 1, Vladimir Poutine accuse les services ukrainiens et américains d’avoir orchestré de concert toute cette affaire. Accusations à l’époque totalement passées sous le radar des médias occidentaux, mais que confirme donc un an plus tard l’enquête de CNN.
Un double fiasco qui éclabousse la Présidence ukrainienne?
Si côté américain, on dit avoir été au courant de l’opération, à Kiev on fait le mort face à CNN. Gêne qui pourrait notamment s’expliquer par le fait, à en croire la chaîne d’information en continu, que les autorités ukrainiennes seraient mouillées jusqu’au sommet de l’État.
Le média rappelle que malgré le fait que le Président ukrainien et ex-comédien Volodymyr Zelensky ait publiquement déclaré en juin 2021 que son pays aurait été «entraîné» dans cette affaire, celui-ci avait vigoureusement tenté de récupérer les prisonniers russes.
Lors d’un entretien téléphonique avec Loukachenko, le 5 août 2020, Zelensky demande sans succès l’extradition des hommes arrêtés et «suspectés d’activités terroristes sur le territoire» ukrainien, comme en témoigne une transcription de l’appel effectué par ses propres services présidentiels.
Légitime demande d’un chef d’État ou ultime tentative de mettre la main sur les proies de ses services secrets? Difficile de croire qu’un chef d’État ne soit pas au courant d’un plan d’une telle ampleur. D’autant plus que de manière générale, un Président a tendance à être au courant des opérations majeures de ses services de renseignement… comme l’avait imprudemment révélé François Hollande, en montrant à des journalistes une liste de personnes dont il avait chargé la DGSE d’éliminer.
Quelle que soit la réponse concernant Zelensky, il ne s’agit pas là de la première ombre au tableau des services ukrainiens. En mai 2018, Kiev annonçait l’assassinat de «trois balles dans le dos dans la cage d’escalier de son immeuble» du journaliste russe Arkadi Babtchenko. Ce «critique virulent du régime du Président Vladimir Poutine», pour reprendre les propos de 20 minutes, était finalement réapparu bien vivant à la télévision le lendemain, à l’occasion d’une conférence de presse dans les locaux du SBU (Service de sécurité d’Ukraine).
Un pieux mensonge, s’était justifié Kiev, qui aurait visé à déjouer un meurtre commandité par la Russie. Même le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, avait fait part de son indignation vis-à-vis de cette mise en scène, regrettant le coup dur qu’elle portait à la crédibilité... des médias.