Au Togo, une pierre sacrée annonce la fin prochaine de l'épidémie de Covid

Le premier jeudi de chaque septembre est dédié à la cérémonie de la prise de la pierre sacrée chez le peuple Guin, au sud-est du Togo. Selon la couleur et le message délivré, cette communauté apprend ce que les prochains mois lui réservent. Dans le message de cette année, la pierre prévoit la fin de l'épidémie de Covid-19 dans le pays!
Sputnik
Dimanche 5 septembre 2021 a marqué le début d’une nouvelle année chez le peuple Guin. Également appelée Gê, cette communauté vit dans le sud-est du Togo, non loin de la frontière avec le Bénin.
Cette nouvelle année commence toujours trois jours après la cérémonie de «la prise de la pierre sacrée» («Ekpéssosso» en Mina, langue locale très parlée au sud du Togo). Un rituel accompli par les prêtres vaudou, et au cours duquel ils invoquent par des incantations leurs divinités pour savoir ce que la nouvelle année réserve à la population.
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Il s'agit d'une cérémonie qui remonte à une tradition datant du XVIIe siècle, instituée par les premiers habitants des lieux venus de l'ouest, l'actuel Ghana. Chaque année, les grands prêtres vaudou se rendent dans la forêt sacrée où se trouve un réceptacle de pierres. «L'une d'elles va se distinguer du lot par sa couleur, révélant aux prêtres vaudou les recommandations des dieux pour la nouvelle année», explique un habitué de ces cérémonies souhaitant garder l'anonymat.
Selon la légende, la pierre qui se manifeste à la suite des incantations serait issue «de la transformation d’un être humain, servant d’intermédiaire entre les divinités et les hommes».
«La couleur sur laquelle on souhaite toujours tomber, c’est le blanc d’argile. C’est la couleur du moindre mal. Avec cette couleur, l’année réserve peu de dégâts et de malheurs. Voilà pourquoi d’ailleurs les prêtres supplient généralement les dieux pour que la pierre soit de cette couleur afin de préserver la population de dangers éventuels», précise la même source.
Il faut dire que cette couleur a souvent été au rendez-vous, à l’exception de quelques rares fois. Le bleu turquoise de 2015 n'annonçait pas pour autant de grands dangers à venir. Contrairement au rouge de la «funeste année» 1939.
«Ce fut l’année où il y a eu la famine au Togo, la terre a tremblé dans le pays et la même année, la Deuxième Guerre mondiale a commencé et de nombreux Togolais ont été enrôlés au Dahomey [l’actuel Bénin, ndlr]. À la suite de cette guerre, une partie du Togo a été rattachée au Ghana», ajoute la même source.

La pierre et son message

«Les rituels de la prise de la 358e pierre sacrée [marquant l'entrée en l'année 358, ndlr] ont pris fin vers 17 heures ce 2 septembre. La couleur de la pierre est d’un blanc-kaolin. Son message a été offert par le porte-parole de la divinité Maman Kolé, le nommé Amime Ayi Amehouho» informait le 2 septembre Félix Anoumou Dossavi, le chargé à l’information du comité d’organisation de la cérémonie dans un message audio diffusé sur les réseaux sociaux.
«La couleur blanche apportera beaucoup de pluie durant la nouvelle année, et une récolte abondante». Cependant, poursuit Anoumou Dossavi, la pierre demande «de faire des offrandes à la forêt, à la mer, de prendre soin des lieux sacrés et d’éviter de faire violence contre des enfants lorsque l’on est en excès de colère, au risque de subir des malheurs dont des morts subites».

Ekpé-Ekpé 2021

La cérémonie qui a eu lieu dans le sanctuaire des divinités, à Avé-Gbatsoumé (Glidji, préfecture des lacs), a réuni les prêtres vaudou et des adeptes des 41 divinités Gê.
D’habitude, des centaines voire des milliers de membres de la diaspora rentrent au pays pour l'occasion, et s'associent aux festivités. Mais compte tenu de la pandémie de Covid-19, le gouvernement a interdit pour la deuxième année consécutive les célébrations des fêtes traditionnelles. L’an dernier, la cérémonie avait même été annulée.
«Cette cérémonie, qui ouvre aussi la porte à la fête traditionnelle Epé-Ekpé chez le peuple Guin, a pris cette tournure [en comité restreint, ndlr] compte tenu de la situation du pays liée à la pandémie de Covid-19. Mais nous nous réjouissons quand même que tout se soit bien passé», a indiqué à Sputnik Félix Anoumou Dossavi.
La cérémonie de la prise de la pierre sacrée est aussi l’aboutissement de festivités qui s'étendent sur trois mois pour que le peuple Gê commence la prochaine année sous le signe de la paix et la réconciliation.
Ce processus, rappelle Félix Anoumou Dossavi, s'accompagne de plusieurs rituels à commencer par «l'interdiction de faire du bruit, de chanter, de siffler…». Il est suivi du rituel de réconciliation entre «membres de la même famille et entre différents clans, etc.»
«C’est au cours de ces rituels que nous confessons nos péchés, pour nous purifier afin de commencer la nouvelle année dans un état de pureté spirituelle», a précisé Dossavi.
Il y a ensuite, poursuit-il, le rituel du «tracé des chemins», consistant dans une opération de ramassage des déchets. Les esprits sont alors invités à «venir communier avec les vivants».

Trois mois de fête

Les trois mois de préparation spirituelle sont suivis, dès la fin de la cérémonie de la prise de la pierre sacrée, de trois autres mois de grandes réjouissances et de partage qui finissent généralement juste avant les fêtes de fin d'année civile.
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Au cours de ces festivités, qui vont devoir se limiter au cadre familial cette année, un plat sacré dénommé «Yaka Okin» est consommé.
«Il s’agit d’un repas spirituel et communautaire fait à base du maïs moulu non fermenté. Toute la famille le consomme en principe dans une seule marmite en y mettant la main pour exprimer la communion en son sein. Si vous en voulez à quelqu’un dans la famille et vous ne faites pas la paix avant ce repas, les esprits peuvent vous attaquer!», conclut Félix Anoumou Dossavi.
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