«Aucune information provenant du terrain ne laisse croire que la violence va s’arrêter», avertit Maria Mourani, préoccupée par la nette augmentation du nombre de fusillades à Montréal. «Ça ne fait que s’intensifier depuis plusieurs mois», poursuit-elle. Ce qui était une rumeur ne fait aujourd’hui plus aucun doute: une «guerre des gangs» a éclaté dans les rues de la métropole québécoise.
«On ne peut plus le nier. Les incidents sont beaucoup trop nombreux et rapprochés. C’est toujours attaque et contre-attaque. Il y a de la vengeance dans l’air. [...] On voit que les grands groupes criminels comme les Hell’s Angels et la mafia ne contrôlent plus grand-chose sur le terrain. Il est rare au Québec d’assister à d’aussi longues périodes de chaos», explique la criminologue à notre micro.
Selon un rapport déposé à l’occasion d’un procès récent, 400 douilles ont été récupérées sur les lieux de crimes dans 115 incidents survenus en 2020 dans la métropole. Le 24 août dernier, 367 douilles avaient déjà été récupérées par les autorités sur le site de 100 fusillades, ce qui anticipe une nette hausse par rapport à l’année dernière. Des chiffres qui ne tiennent pas compte des nombreuses balles perdues jamais retrouvées.
Les échanges de coups de feu entre rivaux ont souvent lieu en plein jour devant des témoins, une réalité qui effraie de plus en plus les citadins. Début février 2021, une adolescente de 15 ans a perdu la vie dans une fusillade survenue en début de soirée dans le quartier Saint-Léonard, l’un des épicentres de la crise.
Les accusations de racisme utilisées comme «bouclier» contre les policiers
Ex-députée fédérale à Ottawa (2006-2015), Maria Mourani explique que ce sont surtout de petits groupes autrefois contrôlés par de plus grands acteurs du crime organisé qui s’affrontent actuellement. La plupart de leurs membres agiraient ouvertement au mépris des lois, sachant les policiers moins prompts à intervenir en raison des accusations de profilage racial dont ces derniers font souvent l’objet.
«Le sentiment d’impunité est toujours très présent dans les gangs. Plusieurs de ces petits gangsters le disent eux-mêmes sur les réseaux sociaux: ils se foutent de la police. Certains promettent sans gêne qu’ils n’hésiteront pas à abattre un policier s’il se trouve sur leur chemin. [...] Ils utilisent le racisme et le profilage comme bouclier pour se protéger», explique l’auteur d’ouvrages importants sur le crime organisé comme Gangs de rue Inc. (Éd. de l’Homme, 2009).
Devant une situation qui empire, ces dernières semaines, des politiciens de tous les échelons sont intervenus pour dénoncer la situation et proposer des pistes de solutions. C’est notamment le cas du Premier ministre québécois, François Legault, et évidemment du maire de Montréal, Valérie Plante, la première concernée.
Les autorités paniquées devant l’augmentation des fusillades
Fin août, la «mairesse» Plante a annoncé que son administration octroierait 5,5 millions de dollars (3,7 millions d’euros) supplémentaires au service de police de la ville de Montréal, un montant destiné à l’embauche de 42 agents de la paix.
«Que des fusillades surviennent chez nous, c’est troublant et préoccupant», a déclaré François Legault début août.
Pour Maria Mourani, dans un premier temps, les policiers doivent d’abord exercer une forte pression sur les gros bonnets du crime organisés pour qu’ils rappellent à l’ordre les petits groupes qui sont censés leur être inféodés. Les policiers doivent aussi augmenter leur visibilité sur le terrain, en particulier dans les quartiers dits sensibles.
«Pour l’instant, nous sommes surtout dans l’observation, mais, à court terme, il faut envoyer le message que cette situation n’est plus tolérée. Il faut éteindre le feu. Par exemple, il faut augmenter le nombre de descentes pour étouffer les groupes en haut de l’échelle et les forcer à calmer les esprits. [...] Il faut également prendre au sérieux le trafic d’armes», conclut notre interlocutrice.