Gazoduc TAPI, le pari fou des talibans pour développer l’Afghanistan

Les talibans* auraient tout à gagner à finaliser le projet de gazoduc entre le Turkménistan, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde, explique à Sputnik Francis Perrin, spécialiste des hydrocarbures. De nombreux obstacles se dressent toutefois entre le groupe islamiste et la manne financière qu’apporterait ce projet. Explications.
Sputnik
Les talibans* se préparent à gouverner. Et pour mener à bien cette tâche herculéenne en Afghanistan, le groupe islamiste aura besoin de fonds. Les «étudiants en religion» comptent réactiver des projets d’infrastructures qui stagnent depuis des années en raison de la situation sécuritaire dans le pays.
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«Beaucoup de gens se demandent si l’arrivée au pouvoir des talibans* pourrait favoriser ou au contraire créer de nouveaux obstacles à la réalisation de ce gazoduc Turkmenistan–Afghanistan–Pakistan–India (TAPI), dont on parle depuis au moins une vingtaine d’années», observe quant à lui Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS, au micro de Sputnik.
Le coût de ce titanesque projet est estimé «entre 8 et 10 milliards» de dollars. À titre de comparaison, l’un des plus grands projets d’infrastructure afghans, la «Ring road», une route censée relier les grandes villes du pays par une grande boucle, a coûté trois milliards de dollars, sans avoir jamais été achevée.

«Un élément important de l’infrastructure économique du pays»

Une fois fonctionnel, le TAPI pourrait acheminer jusqu’à «33 milliards de mètres cubes» de gaz par an. La manne financière pourrait ainsi être considérable pour les nouveaux maîtres de Kaboul, car un segment important du gazoduc passe sur leur territoire et leur permettrait de prélever de conséquents droits de passage.
«L’Afghanistan achèterait un peu de gaz, mais serait surtout un pays de transit», rappelle Francis Perrin.
De fait, le projet a intéressé tous les pouvoirs successifs à Kaboul depuis 1995, mais l’insécurité chronique dans le pays et des tensions entre les frères ennemis indiens et pakistanais ne lui ont pas permis de voir le jour.

Les talibans* «peuvent être une garantie pour les investisseurs»

Au mois de février, comme s’ils savaient que le pouvoir leur était promis, une délégation de «d’étudiants en religion» s’était rendue à Achgabat, capitale turkmène, pour assurer au pays exportateur la garantie que le groupe veillerait à la sécurité du gazoduc dans les zones qu’il contrôle.
​En 2018 déjà, à travers un communiqué, les talibans* considéraient «ce projet comme un élément important de l’infrastructure économique du pays et estime que sa bonne mise en œuvre profitera au peuple afghan.» Ceux-ci annonçaient leur «coopération pour assurer la sécurité du projet dans les zones» sous contrôle taliban*.
Pour Pierre Fabiani, les talibans* «peuvent être une garantie pour les investisseurs que ça se passera bien, à condition qu’ils aient un droit de passage raisonnable.»

Insécurité et tensions géopolitiques

Plusieurs obstacles se dressent toutefois devant le groupe islamiste. Francis Perrin doute d’ailleurs la capacité des talibans* à stabiliser l’Afghanistan à long terme. En effet, ce gazoduc est conçu pour «fonctionner pendant trente ans». Or, l’Afghanistan n’a pas connu de stabilité politique et sécuritaire depuis plus de 40 ans.
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Aussi, «qu’en sera-t-il de l’attitude de la communauté internationale par rapport aux talibans* demain?», se demande Perrin. En cas de sanctions économiques, «scénario que l’on ne peut pas écarter pour l’instant», il serait «très difficile» de trouver des financements pour le projet TAPI.
Francis Perrin soulève également la question commerciale du prix du gaz, qui n’a toujours pas été tranchée:
«Le prix demandé par le Turkménistan est jugé trop élevé par ceux qui pourraient l’acheter.»
De plus, les tensions géopolitiques entre l’Inde et le Pakistan restent un facteur qui pourrait compliquer la mise en œuvre du projet. Pour les nouveaux maîtres de Kaboul, il y a donc encore loin de la coupe (de gaz) aux lèvres.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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