Au Tchad, le président de l'Union pour le renouveau et la démocratie (URD) Félix Nialbé vient de claquer la porte du comité d'organisation du dialogue national. Ce dialogue prévu pour discuter de tous les sujets d’intérêt national avait été annoncé le 27 avril dernier par le Président de la transition, le général Mahamat Idriss Déby, afin de jeter les bases d’un Tchad nouveau.
Nommé au sein du comité d’organisation du dialogue par arrêté du Premier ministre de transition le 13 août 2021, Nialbé a décidé après deux semaines de ne plus y siéger. La raison n'a rien à voir avec un refus de principe quant au dialogue national, bien au contraire.
«Organiser l’opposition»
Félix Niablé entend rester en retrait de ce comité afin, dit-il dans une correspondance adressée au gouvernement, de «pouvoir organiser les partis politiques [de l'opposition] pour une participation sereine et constructive auxdites assises dont l’importance n’est plus à démontrer».
En d'autres termes, Félix Nialbé veut rester au-dessus de la mêlée pour mieux jouer son rôle de chef de file de l’opposition.
«Je demeure le chef de file de l’opposition démocratique, l’opposition tchadienne parlementaire et extra-parlementaire. Donc là, je dois jouer mon rôle de chef de l’opposition mais je ne peux pas être dans un comité d’organisation du dialogue», a-t-il indiqué dans sa correspondance.
«Une posture tout à fait légitime», commente Emmanuel Dupuy, président du think tank Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), en faisant référence aux dispositions de l’article 100 de la charte de la transition. Cet article précise en effet qu'«en attendant la mise en place du Conseil national de transition, ses attributions sont dévolues à l'Assemblée nationale». Une structure où il bénéficie du «statut officiel» de chef de file de l'opposition. «C’est la raison pour laquelle, il a voulu occuper ce terrain», estime Dupuy.
Objectif: «s’identifier comme un opposant modéré» pouvant réunir autour de lui toute l’opposition dans le but de «soutenir sa candidature qui ne fait plus aucun doute».
Opposant modéré
Mais le chef de file de l’opposition ne doit pas se faire d’illusions, ajoute l’expert français. Et pour cause, dans la pratique, la scène politique tchadienne ne connaît pas qu'une seule opposition. Celle-ci est divisée, en effet, selon l'attitude à observer quant à la transition en cours et notamment à la succession du général Mahamat Idriss Déby à son père dans des conditions controversées, en avril dernier.
En tête de ceux qui cautionnent la transition, Emmanuel Dupuy cite l’opposant traditionnel à Idriss Déby, Saleh Kebzabo, le président de l'UNDR, et membre du comité qui prépare le dialogue national.
Au rang des opposants plus radicaux, qui rejettent le processus de transition, figure l'ancien économiste et fonctionnaire international Succès Masra et son parti Les Transformateurs. «Une opposition plus exigeante et plus déterminée à faire corps avec la société civile et la diaspora, qui n’entendent pas s’inscrire dans l’agenda de la transition», détaille Dupuy.
«Je ne pense pas que le statut d’un opposant institutionnalisé [bénéficiant du statut officiel de chef de file, ndlr] puisse calmer les ardeurs d’une opposition non institutionnelle et des activistes. Je crains également qu’on ne soit dans une logique de clivage générationnel et de mauvaise appréciation de la situation au Tchad», soutient-il, rappelant que la scène politique tchadienne compte quelque «203 partis politiques inconciliables».
Une confusion de 203 partis
«Il ne me semble pas que les militants et activistes tchadiens se reconnaîtront en lui. Il ne me semble pas non plus que des mouvements plus jeunes, plus dynamiques autour de Succès Masra, et qui accessoirement sont plus écoutés par l’extérieur, les États-Unis notamment, souhaiteront agir sous l’autorité de Félix Nialbé», conclut-il.
À noter que quelques jours après le départ de Nialbé du cadre préparatif du dialogue national, le gouvernement tchadien n’a pas caché son souhait qu'il y revienne.
«Il n’a jamais quitté le bateau. Il a simplement quitté le comité d’organisation. Mais il reviendra si ce n’est lui, quelqu’un le représentera. Ce n’est pas quelqu’un qui veut tout casser», a indiqué Abderaman Koulamallah, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement de la transition le dimanche 22 août sur télé Tchad, la télévision nationale.
Le dialogue national devrait se tenir entre novembre et décembre prochains, selon le calendrier dévoilé, en juin dernier, par le Conseil militaire de transition au Tchad qui a pris le pouvoir à la suite de la mort du Président Idriss Déby Itno, le 20 avril dernier. Des élections générales devront se tenir entre juin et septembre 2022.