Le Covid-19, une «tragédie» économique pour l'Afrique centrale

Les Présidents des pays d'Afrique centrale se sont réunis ce 18 août à l’occasion d’un sommet extraordinaire virtuel. L’objectifs? Tabler sur la crise économique dans la sous-région, éprouvée par la crise sanitaire, et amorcer la relance. Pour nombre d’observateurs, l’urgence est à l’intégration économique et à la diversification des ressources.
Sputnik
Comment amorcer une relance post-Covid de l'économie dans la sous-région Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) ? Paul Biya, Président en exercice de la Cemac, a convié les autres membresà assister le 18 août 2021 à un sommet extraordinaire en visioconférence. Au cours de ce conclave, le chef d’État camerounais et ses hôtes ont évalué la situation macroéconomique de la CEMAC, «en particulier dans le contexte de la pandémie de Covid-19» et analysé «les mesures de redressement appropriées pour renforcer la résilience des économies de la sous-région et accélérer leur transformation structurelle, en vue d’une croissance soutenue, durable, inclusive et créatrice d’emplois».
​Cinq chefs d’État sur les six que compte la Cemac ont pris part au sommet: le Camerounais Paul Biya, le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra, l’Équatoguinéen Teodoro Obiang Nguema, le Gabonais Ali Bongo Ondimba, Mahamat Idriss Déby Itno le Président du conseil militaire de transition, Président de la république du Tchad alors que Denis Sassou Nguesso du Congo était représenté par son Premier ministre.

La récession économique

Depuis 2020, la crise sanitaire a engendré, à l’échelle planétaire, des conséquences humaines, économiques et sociales inédites. La récession économique mondiale de 3,3% enregistrée l’an dernier n’a pas épargné les pays de la sous-région. Avec un taux de croissance communautaire de -1,7% en 2020 contre 2,5% en 2019, la pandémie a fortement ébranlé l’économie sous-régionale. C’est une «véritable tragédie financière pour des économies déjà fragiles comme les nôtres», constate Dalvarice Ngoudjou, économiste et consultant sur des questions sous-régionales sur une chaîne télévisée privée à Douala.
«Nos économies traversent des difficultés énormes. On peut prendre en exemple les pertes colossales au niveau fiscal. Les mesures fiscales prises pour soutenir l’économie ont engendré des pertes de recettes de plus de 2.747 milliards de FCFA (plus de 4 milliards de dollars) pour l’ensemble des pays de la région», poursuit l’analyste au micro de Sputnik.
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La crise, précise le communiqué final du sommet, a surgi au moment où la «région commençait déjà à tirer profit des réformes engagées par les autorités nationales et régionales, avec l’appui des partenaires extérieurs, dans le cadre de la stratégie régionale de sortie de crise adoptée lors du Sommet du 23 décembre 2016 à Yaoundé», organisé dans le contexte d'une «baisse continue des cours des matières premières induisant une crise de réserve dans la zone».
Par effet domino, la dette des pays de la Cemac s’est alourdie, passant de 49,1% en 2019 à 55,6% du PIB un an plus tard. Sur le plan monétaire, les réserves de change ont perdu plus de 1.116 milliards de FCFA (plus de deux milliards de dollars) en 2020 à cause de la dégradation des comptes extérieurs.

L’urgence de l’intégration sous-régionale et de la diversification des économies

Sur le chantier du redressement, le Comité de pilotage du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac) soulignait déjà la nécessité de mobiliser 9.048,31 milliards de FCFA (plus de 16 milliards de dollars) pour l’exécution du plan de relance économique communautaire au cours de la période 2021-2025.
Après avoir examiné les mesures prises au niveau national et régional pour endiguer les effets négatifs de ces crises sur les populations, les chefs d’État ont affirmé «leur détermination à accélérer les campagnes de vaccination pour protéger les populations, sauver des vies et favoriser une réouverture maîtrisée des économies». Ils ont aussi «prescrit aux États membres la mise en œuvre de politiques budgétaires propices axées sur la mobilisation accrue des recettes hors pétrole» et réaffirmé «leur ferme volonté de promouvoir et d’approfondir l’intégration régionale, à travers la consolidation de la libre circulation des personnes et des biens», d’après le communiqué final.
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Prenant part aux travaux comme invité spécial, Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), au cours des échanges avec les dirigeants des pays d’Afrique centrale, a également souligné la nécessité d’actions coordonnées pour soutenir les institutions régionales et de réduire «la dépendance des États vis-à-vis des matières premières». La diversification des économies, «une nécessité impérieuse», souligne Dalvarice Ngoudjou, pour faire face à la «crise des matières premières notamment les fluctuations des coûts du baril de pétrole».
«Aussi il faut accélérer l'intégration sous-régionale. Une réelle intégration économique peut nous permettre de faire face à la situation. Figurez-vous que le taux d'échange sous-régional n'est que de 3%, c'est-à-dire que dans la zone Cemac, nous faisons 97% de nos échanges avec les États qui sont hors de l’espace. Or, en accélérant une intégration économique ou des échanges dans la sous-région, cela permet d'éviter l'éparpillement de nos devises», suggère pour sa part l’économiste camerounais.
Outre les effets néfastes de la crise sanitaire, les crises sécuritaires dans la sous-région ont également été abordées. Pour y faire face, les chefs d’État ont «décidé de renforcer les concertations et les actions communes face aux nombreux défis sécuritaires liés au terrorisme international» et soutiennent toutes les initiatives internes et externes visant à restaurer un cadre de paix, de stabilité, de sécurité et de santé favorable à l’émergence de la Cemac.
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