Gazoduc Nord Stream 2: sept obstacles et un gros avantage, pour Handelsblatt

Il existe au moins sept raisons pour lesquelles le gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Europe risque de ne pas entrer en service, estime le journal allemand Handelsblatt avant d’en pointer un avantage important.
Sputnik
Les États-Unis et l'Allemagne sont parvenus à un compromis en juillet concernant le projet Nord Stream 2, mais il y a toujours au moins sept facteurs capables d’empêcher la mise en service de ce gazoduc russo-européen, affirme Handelsblatt.

1. La directive sur le gaz du troisième paquet énergie

Selon le quotidien, la directive sur le marché européen de gaz est l’obstacle principal au projet Nord Stream 2. Elle porte notamment sur la séparation obligatoire des activités de production et de distribution de l’électricité et du gaz. Cela concerne directement le géant gazier russe Gazprom, propriétaire et opérateur de réseaux de gaz.
Le 16 août, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a reproché à la Commission européenne de ne pas se conduire convenablement à l’égard du Nord Stream 2. Il a rappelé que malgré l’opposition de ses juristes, la Commission européenne avait étendu rétroactivement les clauses du troisième paquet énergie au Nord Stream 2.

2. Résistance de la Pologne, des pays baltes et de l’Ukraine

«La Pologne est l’un des critiques les plus ardents de ce gazoduc. Tout comme les pays baltes et la Slovaquie, elle avance des arguments géopolitiques en affirmant notamment que l'UE deviendra dépendante de la Russie dans le domaine énergétique, ce qui, à son tour, mettra en péril la sécurité de l'Union», note le journal.
En plus, le projet est loin de plaire à l’Ukraine dont le budget dépend des recettes provenant du transit de gaz russe via son territoire. Selon Handelsblatt, Kiev continuera de rechercher des alliés puissants afin d'influer sur l’évolution de la situation.
Mais alors que l’Ukraine accuse Moscou de chantage gazier, c’est elle qui souvent fait capoter l’accord pour le transit en réclamant des droits de transit trop élevés, selon Vladimir Poutine. Fin juillet, les prix du gaz en Europe ont explosé après que Gazprom a abandonné les enchères pour le transit de gaz via l'Ukraine, réduisant ainsi ses livraisons vers l’UE.

3. L’attitude négative de nombreux députés au Parlement européen

Plusieurs résolutions adoptées par les parlementaires européens exigeant d’arrêter les travaux de construction représentent aussi un obstacle pour ce projet gazier.
Le 29 avril, le Parlement européen a notamment adopté une résolution demandant «que l’Union réduise sa dépendance à l’égard de l’énergie russe» et invitant les institutions de l’UE à stopper la réalisation du gazoduc Nord Stream 2. Le document agite des sanctions, comme, par exemple, la déconnexion de la Russie du système bancaire international SWIFT.
Ces résolutions sont consultatives. La Commission européenne n'est pas obligée d'en tenir compte en prenant ses décisions, mais elle ne peut pas tout simplement les ignorer pour des raisons politiques, estime le journal.

4. Influence des Verts en Allemagne

Si les Verts entrent au gouvernement de coalition après les élections du 26 septembre au Bundestag, le cabinet des ministres ne défendra plus le projet aussi bien que sous Angela Merkel, suppose la publication. Annalena Baerbock, candidate des Verts pour la chancellerie, se montre notamment très négative à l’égard du gazoduc Nord Stream 2 et de la Russie. Si quelque chose dépend d'elle, le projet sera enterré, de l’avis du quotidien.
D’autre part, si l’Allemagne abandonne le projet Nord Stream 2 dont elle a besoin en raison de la décision de Mme Merkel de renoncer au nucléaire civil, cela marquera la fin pour le pays en tant que puissance industrielle développée et sapera l’avenir des Verts, a estimé le 16 août Jörg Meuthen, président du parti Initiative pour l’Allemagne (AfD).
«Le nouveau gouvernement fédéral, dirigé par les Verts, risque d'être si idéologiquement aveugle qu'il coupera cette artère vitale pour l’Allemagne. Cette décision aura comme effet non seulement la fin de l'Allemagne en tant que puissance industrielle développée et la fin de la montée en puissance actuelle de ce parti prétendument "vert"», a indiqué M.Meuthen dans une interview au journal russe Izvestia.
La ministre-présidente de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Manuela Schwesig, avait aussi déclaré en juillet à l’agence de presse DPA que l’arrêt du projet Nord Stream 2 prôné par les Verts mettrait en péril l’approvisionnement de l’Allemagne en énergie.

5. Pressions des États-Unis

Début août, les médias ont annoncé que le Président des États-Unis Joe Biden avait choisi de faire appel aux services d’Amos Hochstein comme envoyé spécial à l’Energie, chargé notamment du dossier Nord Stream 2.
M.Hochstein est connu pour son hostilité au chantier. En 2019, il a notamment déclaré sur Twitter que le Nord Stream 2 représentait une véritable «crise existentielle pour l’Ukraine». De plus, cet homme n’est pas un inconnu en Ukraine puisqu’il a siégé au conseil de surveillance de la compagnie gazière ukrainienne Naftogaz.
Selon Handelsblatt, la mission de M.Hochstein est de réduire les éventuels risques géopolitiques du Nord Stream 2. Les États-Unis estiment notamment que le gazoduc peut «déstabiliser l’Ukraine» et que la Russie pourrait instrumentaliser les livraisons de son gaz.

6. Plaintes des écologistes allemands

Des procédures sont actuellement en cours en Allemagne après des plaintes de l’Association allemande pour la protection de la nature (DNR) et de l’Association environnementale allemande (DUH) contre le Nord Stream 2.
Les écologistes cherchent à arrêter la pose des tuyaux dans la Zone économique exclusive allemande de la Baltique, arguant que le gazoduc nuira au climat, note Handelsblatt.

7. Politique écologique de l’UE

Le dernier obstacle pour le projet Nord Stream 2 est la politique environnementale de l’UE qui compte devenir neutre sur le plan climatique d’ici 2050, estime le journal.
«Il faut attendre 50 ans avant que la construction du Nord Stream 2 ne soit rentable. Or l'UE veut devenir climatiquement neutre dans moins de 30 ans, c'est-à-dire ne plus brûler de combustibles fossiles, dont le gaz naturel», rappelle Handelsblatt.
D’ailleurs, les gazoducs ont un grand avantage: ils peuvent être adaptés au transport d’hydrogène ce qui, selon certains experts, pourrait permettre de passer à une économie neutre pour le climat.
«La Russie est déjà prête à proposer sa candidature en tant que futur fournisseur d’hydrogène», note Handelsblatt.
En effet, le 11 juillet, le directeur exécutif de Nord Stream 2 AG, Matthias Warnig, a déclaré à ce même journal que le gazoduc serait prêt à transporter de l’hydrogène d’ici dix ans par une ou ses deux conduites. Selon M.Warnig, la société mène déjà des études dans ce domaine.

Le gazoduc pourrait entrer en service en 2021

Le projet Nord Stream 2 est réalisé par la société russe Gazprom, en coopération avec les entreprises européennes Engie, OMV, Shell, Uniper et Wintershall. Ce gazoduc long de plus de 1.200 kilomètres qui relie la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique aura une capacité de 55 milliards de mètres cubes par an.
Fin juillet, la société Nord Stream 2 AG a déclaré que le gazoduc était achevé à 99% et qu’il devrait bientôt être mis en exploitation.
Selon le directeur général de Nord Stream 2 AG, Matthias Warnig, la société effectue déjà des tests et a entamé la procédure de certification concernant la première conduite du gazoduc construite en juin. Ces travaux prendront au total près de trois mois après la fin de la pose des tubes de la seconde conduite.
Discuter