Présidentielle en Zambie: le plus dur reste à faire pour «HH»

Le leader de l’opposition Hakainde Hichilema a été déclaré vainqueur de la présidentielle zambienne très disputée, battant le Président sortant Edgar Lungu. Une élection qui s’apparente à un vote sanction compte tenu des problèmes auxquels le pays est confronté. Analyse pour Sputnik de Patrick Mbeko, spécialiste de la région.
Sputnik
«Je déclare donc Hakainde Hichilema Président élu de la République de Zambie en ce 16 août». C’est par cette phrase que le président de la Commission électorale zambienne, le juge Esau Chulu, a annoncé la victoire, à l’élection présidentielle, du principal leader de l’opposition sur les ondes de la télévision nationale, provoquant des scènes de liesse dans les grandes artères de Lusaka, la capitale de la Zambie. Selon le décompte de la Commission électorale, Hichilema, 59 ans, a obtenu 2.810.777 voix contre 1.814.201 pour le Président sortant Edgar Lungu, 64 ans. Le taux de participation a été de 70%, ce qui renforce la légitimité du nouvel élu.
​Dans un premier temps, Edgar Lungu a tenté de contester les résultats, arguant qu’il y avait eu des irrégularités dans les régions dominées par son adversaire, mais il a fini par concéder la victoire à celui-ci. «Je voudrais féliciter mon frère Hakainde Hichilema pour son élection en tant que 7e Président de notre mère patrie la Zambie», a déclaré le Président sortant.

Le parcours du combattant

Richissime homme d’affaires, Hakainde Hichilema, aussi surnommé «HH» par ses partisans, se décrit comme un «garçon de bétail» ordinaire, en référence à sa jeunesse durant laquelle il gardait souvent le bétail de sa famille. Devenu l’un des hommes les plus riches de Zambie, il est à la tête d’un empire (impliqué dans la finance, l’immobilier, le tourisme et l’élevage) qui pèse plusieurs centaines de millions de dollars. Sur le terrain politique, il était, jusqu’à la dernière élection présidentielle, à la tête du Parti unifié pour le développement national (UPND), le principal parti d’opposition. L’élection qu’il vient de remporter haut la main était sa sixième tentative. Si en 2006, il était arrivé en troisième position avec seulement 25% des voix, en 2016, il avait perdu de justesse face à Edgard Lungu, avec environ 100.000 voix d’écart. Cinq ans plus tard, la chance a fini par lui sourire.
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Pour gagner les cœurs et les esprits à sa cause, Hakainde Hichilema a utilisé son parcours personnel, insistant à la fois sur ses origines modestes et sur sa réussite professionnelle. Le premier point permet au petit peuple de s’identifier à lui, quand le second apparaît comme un élément essentiel dans la conduite des affaires de l’État. En outre, seul un homme d’affaires prospère ayant connu la pauvreté peut comprendre et savoir comment relancer l’économie d’un pays en crise et rencontrer les besoins élémentaires de la population. Tel est le message principal que l’opposant devenu Président a vendu à la population zambienne, notamment aux jeunes, pour en gagner les voix.
Parce qu’il faut le dire, la Zambie traverse une situation socio-économique désastreuse depuis quelques années maintenant. Passé la fête de la victoire, Hakainde Hichilema devra faire face à d’énormes défis...

Un pays rongé par la crise économique

En effet, affirmer que la Zambie, deuxième plus grand producteur de cuivre d’Afrique, connaît une crise socio-économique est un euphémisme. La chute des prix du cuivre ces dernières années a largement contribué à cette situation. Le pays est confronté à de graves difficultés économiques au point où il lui a été impossible de respecter ses engagements envers les programmes internationaux de remboursement de sa dette. Au mois d’octobre 2020, le gouvernement a dû exhorter tous ses créanciers extérieurs à accepter une suspension du service de la dette, faute de quoi le pays allait se retrouver en défaut de paiement —ce qui est tout de même arrivé.
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Cette sortie a mis en évidence la gravité de la crise à laquelle la Zambie est confrontée. À la fin de l’année 2020, le taux d’inflation avait grimpé à 17,4 %, son niveau le plus élevé depuis quatre ans. Associé à une dépréciation rapide de la monnaie, cela a fait basculer de nombreux Zambiens dans la pauvreté. Une situation aggravée par la pandémie de Covid-19 qui a sévèrement frappé le pays.
Même si la Zambie a enregistré une production record de cuivre l’année dernière, l’économie n’a été que légèrement soutenue. Et pour cause, les prix du métal sont à leur plus haut niveau aujourd’hui, en partie grâce au boom des voitures électriques. Les mesures prises par le Président Edgard Lungu n’ont pas permis de corriger la situation de crise que connaît le pays. Bien au contraire.

Vote sanction

En effet, sa stratégie de réduire les dépenses publiques dans les services sociaux pour réaffecter une partie des fonds au remboursement de la dette a suscité la grogne au sein de la population. À cela s’ajoute la détérioration de la situation des droits de l’homme dans le pays. Au cours des dernières années, plusieurs membres de l’opposition et de la société civile ont été brutalisés et arrêtés par les autorités. Des médias indépendants ont été fermés et au moins cinq personnes ont été tuées par la police depuis 2016.
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Tout ceci a eu pour effet d’exacerber les tensions dans le pays. Deux partisans du Front patriotique, le parti d’Edgar Lungu, ont été tués à coups de machette par des individus soupçonnés d’être des partisans de l’opposition. Début août, le gouvernement zambien a déployé l'armée pour endiguer l’escalade de la violence politique à l’approche des élections présidentielles et législatives du 12 août. Cela n’a pas pour autant calmé la grogne de la population, notamment celle des jeunes qui représentent un segment important des électeurs —plus de la moitié des sept millions d’électeurs inscrits en Zambie ont moins de 35 ans et environ un sur cinq est au chômage.
De nombreux Zambiens ont considéré que les tactiques du pouvoir pourraient entraîner une érosion de la démocratie dans le pays, considéré comme un modèle en Afrique, surtout après que le père fondateur de la Zambie, Kenneth Kaunda, s'est retiré à contrecœur après avoir perdu les premières élections multipartites en 1991.
Hakainde Hichilema a très bien compris les attentes de la population face à tous ces enjeux socio-politiques et économiques. C’est donc sur ces enjeux et la grogne sociale qu’il a surfé, apparaissant aux yeux de millions de Zambiens, notamment des jeunes, comme une alternative au système Lungu qui a montré ses limites. Expression du choix personnel de chaque Zambien, le scrutin du 12 août est aussi un vote sanction contre un système jugé incapable de régler les problèmes de la population zambienne...
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