«Une année tout à fait spéciale.» À la faveur des confinements et autres couvre-feux, bon nombre de Français ont adopté ou acheté un animal de compagnie sur un coup de tête. Résultat: une fois ces mesures sanitaires levées, «comme des jouets, ils nous les ont donnés parce que ça les encombrait», voire abandonnés au bord de la route, déplore Jacques-Charles Fombonne, président de la Société protectrice des animaux (SPA). Depuis le 1er mai, l’association a recueilli plus de 11.000 animaux.
Les capacités d’accueil des refuges de la SPA ont été par conséquent été saturées «entre le 8 et le 15 juin» à cause de cette approche irresponsable de certains propriétaires.
Des achats compulsifs regrettés par la suite
Les autres années, c’est plutôt fin juillet-début août que les propriétaires se défont de leurs animaux de compagnie, la période estivale marquant traditionnellement le pic des abandons en France.
«Il y a eu une progression de 7% par rapport à l’an dernier! Mais surtout une augmentation du nombre de nouveaux animaux de compagnie abandonnés comme les lapins par exemple. Ce qui nous oriente sur de l’achat compulsif», détaille Jacques-Charles Fombonne.
Autre victime collatérale des mesures sanitaires, les chats: la SPA a constaté une hausse de 23% des abandons. A contrario, l’association a noté une diminution, jugée «incompréhensible», de plus de 20% du nombre de chiens lâchés dans la nature:
«C’est sûrement conjoncturel. Est-ce que les Français sont moins partis en vacances à l’étranger? Moins partis dans des circonstances où l’abandon vient “normalement” à l’esprit des gens?», tente d’analyser le président de la SPA.
Si cela constitue une petite victoire, la tendance générale reste néanmoins alarmante. Sans compter que la France détient en Europe le record en la matière. Chaque année, ce sont près de 100.000 compagnons domestiques qui se retrouvent abandonnés, selon l’association 30 millions d’amis. Pourtant, se débarrasser de son animal peut coûter cher. Ce geste, considéré comme un acte de cruauté et de maltraitance, est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.
La stérilisation pour ne pas reproduire la maltraitance
Alors comment mettre fin à ce fléau? Dans une tribune publiée dans Le Monde et signée par des acteurs français tels que Nathalie Baye, Jacques Dutronc ou encore Lambert Wilson, plusieurs pistes sont explorées. Les signataires plaident notamment pour la stérilisation des animaux ainsi que l’interdiction de leur vente en ligne. Deux mesures qu’approuve Jacques-Charles Fombonne. Comme il le rappelle, un «couple de chat en quatre ans peut donner jusqu’à 20.000 descendants» par exemple.
«La stérilisation est donc indispensable notamment pour les chats. Si on les laisse proliférer, on ne sait pas quoi en faire. C’est directement le refuge dans le meilleur des cas ou la fourrière dans le pire des cas. 80% des chats qui sont capturés par les fourrières sont euthanasiés», souligne-t-il.
L’autre écueil que fustige le président de la SPA: la marchandisation de l’animal. Un phénomène qui serait accentué par «la vente des animaux sur Internet et dans les animaleries». Jacques-Charles Fombonne dénonce le fait que ces dernières se servent des animaux comme produits d’appel: «On passe avec le caddy devant le magasin, personne ne résiste à un chiot ou à un chaton.» Sauf que plusieurs mois après l’achat, «on ne sait pas quoi en faire parce que l’on n’a pas réfléchi», regrette-t-il.
«Les gens qui vous les vendent ne vous incitent pas à réfléchir, ils sont là pour vendre. De plus, ces animaux sont très souvent importés de Roumanie ou de Hongrie et sont élevés dans des conditions épouvantables. La plupart naissent dans des usines à chiens.»
Dans le viseur du président de la SPA se trouve également la vente en ligne, qui concerne 80% des achats d’animaux de compagnie.
Une prolifération des ventes illégales sur Internet
«Toutes les ventes clandestines passent par Internet, qui est le lieu de tous les n’importe quoi», déclarait au Figaro Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot. «À titre d’exemple, la vente d’espèces exotiques menacées ou encore l’explosion des ventes de moutons à la veille de la fête de l’Aïd el-Kebir (célébration musulmane, ndlr) qui donnent lieu à des scènes ignobles. Il y a un véritable business en ligne qui échappe à tout contrôle», poursuivait-il.
«Internet ce sont les élevages clandestins, dans les sous-sols, dans les cités, dans les endroits où l’on peut faire ça à peu près tranquillement. Ce sont des gens qui ne bossent plus, qui ont trois ou quatre chiennes. Quand un chien peut être vendu 1.000 euros, si vous avez trois chiennes qui vous en font dix petits par an, c’est 30.000 euros», avance le président de la SPA.
Des personnes attirées par l’appât du gain qui ont donc la volonté de les céder le plus rapidement possible. Parfois même au mépris de la loi, avec l’utilisation de faux certificats de vaccination ou en vendant des espèces interdites de types pitbull ou rottweiler.
«Là, on est dans de la vente au cul du camion. Non seulement vous n’avez aucune garantie sur ce que vous achetez mais en plus, en matière de maltraitance animale, c’est abominable. Ce sont des chiens de combat qui sont agressifs, etc.», fustige le militant.
Il est donc nécessaire, selon lui, que les Français qui souhaitent acquérir un compagnon passent par les refuges ou s’adressent à un bon éleveur car «ils s’accordent le droit de refuser la vente ou l’adoption». Notamment lorsqu’ils déterminent que les futurs maîtres seront incapables de donner à l’animal des conditions de vie compatibles avec ses besoins biologiques.
Pour mettre fin à ces dérives, les députés ont adopté en janvier dernier, dans le cadre de la proposition de loi pour la lutte contre la maltraitance animale, l’interdiction de toute vente en ligne d’animaux de compagnies sur toutes les plateformes, y compris les sites spécialisés.
Fin septembre prochain, les sénateurs devront à leur tour se prononcer sur ce projet de loi. «Un vote particulièrement attendu par toutes les associations de défense du droit des animaux», confie Jacques-Charles Fombonne.