À Dapaong, une ville à quelque 630 kilomètres au nord de Lomé, les masques sont plus rares que la pluie en saison sèche! Le visiteur s'aventurant au centre-ville, du côté du grand marché ou de celui de Dapankperegou, ou dans la cour de la préfecture, tombe rarement sur des visages couverts.
Pourtant, ici comme ailleurs, l'épidémie est loin d'être vaincue. La courbe des contaminations au Covid-19 est même en pleine expansion, à en croire les données officielles.
Dans ce petit pays d'Afrique de l'Ouest qui s'est doté très tôt d'une stratégie nationale de riposte contre le Covid-19, le port du masque a été rendu obligatoire depuis avril 2020. Plus d'une année après, et malgré le début de la campagne de vaccination en mars 2021, les autorités saisissent chaque occasion pour appeler la population au respect du port du masque.
Cette mesure barrière est plus ou moins bien suivie dans le sud du pays, notamment à Lomé la capitale, avec la police qui veille au grain. Mais dans le grand nord, comme ici dans la région des savanes, pas loin des frontières avec le Burkina Faso, c’est loin d'être le cas.
À Dapaong, le non port du masque semble trouver son fondement notamment dans sa cherté sur le marché ou en pharmacie. Ici, les prix sont jusqu'à…cinq fois plus élevés qu'à Lomé, alors que la population est nettement plus pauvre.
«Moi j’achète à Lomé le carton de 25 masques à la pharmacie à 1.500 francs CFA [2,3 €]. Ici à Dapaong, on me le vend à 7.500 francs CFA [11,4 €]. C’est incroyable au moment où la solution la plus importante, après le vaccin, demeure le port de masque. Comment les populations peuvent-elles se procurer les masques surtout dans cette région où le taux de pauvreté est assez élevé?», s’étonne Essi Lolonyon, employée d’une ONG en séjour dans la ville de Dapaong, rencontrée par Sputnik.
D’après les résultats d’une enquête sur les conditions de vie des ménages au Togo, menée par l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques, publiés le 29 octobre 2020, la région des savanes a l’incidence de pauvreté la plus élevée du Togo (65,1%).
Devant la pharmacie d'où vient de sortir Essi Lolonyon, un jeune homme lance, avec un rire amer: «C’est comme cela ici. Le masque c’est pour les riches!».
«Les masques sont trop chers et moi je n’ai pas l’argent pour acheter ce masque. J’ai par contre un masque artisanal fait en pagne. Mais je ne le mets que lorsque je vais à l’église les dimanches», ajoute-t-il.
Joint par Sputnik, le président de l’Ordre des pharmaciens du Togo explique la situation par les stocks d'invendus achetés trop cher, ce qui se répercute sur le prix de vente.
«Les prix des masques sont souvent fonction de la qualité, du stock reçu et du circuit d’importation. Il y a des pharmaciens qui ont encore des stocks de masques qui leur avait été livré très cher comme cela était le cas au début de la pandémie. Ils ont le choix entre casser les prix ou les maintenir aux anciens prix. Je présume que c’est ce qui se passe dans le nord. Le vendeur fixe le prix de vente en fonction du prix d’achat. Normalement, dès qu’ils auront écoulé ces stocks, et se seront approvisionnés avec des stocks qui coûtent moins cher, le prix de vente va aussi suivre en baissant», a déclaré Dr Innocent Kpéto.
Il estime, toutefois, que la cherté des masques ne doit pas être un frein à la protection contre le Covid-19. Quoiqu'on en dise sur l'efficacité des masques artisanaux, «nous conseillons aux populations lors des sensibilisations dans le nord, l’adoption des masque artisanaux fabriqués en tissus, lavables et donc réutilisables. Tout ceci pour éviter ces problèmes de cherté».
«Une montée grave des cas de Covid-19»
Face à la presse, le 28 juillet dernier, le comité national de riposte au Covid-19 au Togo s’est de nouveau montré inquiet de la situation épidémiologique dans le pays.
«Jusqu’à il y a cinq semaines, on enregistrait plus ou moins 100 cas par semaine. Mais il y a une montée grave des cas de Covid-19 dans le pays depuis la mi-juillet. Cette semaine du 21 au 27 juillet, nous avons comptabilisé 523 cas positifs au Covid-19. La semaine d’avant, 449 cas ont été enregistrés sur l’ensemble du territoire. Soit près de 1.000 cas en l'espace de deux semaines», a déclaré aux médias le médecin-colonel Djibril Mohaman coordonnateur national de la cellule de riposte au Covid-19.
Il a encore appelé à une prise de conscience collective de la population dans l’application des mesures barrières face à la pandémie au Togo.
Au 29 juillet 2021, le pays enregistrait un total de 17.104 cas confirmés au Covid-19 depuis l’apparition du premier cas en mars 2020. 1.908 cas restent actifs dans ce lot, 15.035 personnes ont guéri de la maladie, contre 161 décès.