C’est quasiment un retour à la case de départ pour le projet de construction d'un barrage destiné à alimenter en eau deux villages, dans le nord du Togo.
Il s'agit de Sidiki et Konkoagou, deux villages voisins situés dans les monts Sidiki, dans la région des savanes. L'ouvrage a été construit entre ces deux localités, mais plus proche du village Sidiki.
Ce village est situé à quelques kilomètres pourtant d’une cascade attrayante offerte par les monts éponymes (Sidiki). Mais tout comme Konkoagou, le village Sidiki souffre de problèmes d’accès à l’eau.
Le projet en question a été conçu pour régler ce problème auquel sont confrontés des milliers de Togolais qui y vivent. Malheureusement, le barrage construit n’a pas pu résister à l’eau qu’il était censé contenir.
Vue de près du barrage qui a cédé
© Sputnik . Alphonse Logo
«Il a suffi de deux pluies pour que le barrage cède. D’abord la nuit même du jour où la réception provisoire du projet a eu lieu, il y a eu une forte pluie qui a abîmé le barrage. Le lendemain, d’après nos informations, la société en charge des travaux a rapidement entrepris des travaux de réfection.
Mais après une deuxième pluie, survenue quelques jours plus tard, l’eau retenue dans la digue a vite fait de se frayer un chemin pour s’échapper», a témoigné au micro de Sputnik, Kamougou Kombaté, le directeur de la radio rurale communautaire des savanes.
Cette station de radio a été la première à alerter sur l’incident et à se déplacer sur le site.
Vue du couloir de l'eau de pluie
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Vue de près du barrage qui a cédé
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Ce barrage dressé dans le couloir de passage d’importantes quantités d’eau de ruissellement jusqu’à la cascade de Sidiki, devrait permettre en effet de retenir jusqu’à 30.000 mètres cubes d’eau pour l’alimentation de ces deux villages. Mais peine perdue.
«Ce projet était pour nous une source d’espoir, parce que nous faisons chaque jour des kilomètres à travers la montagne pour trouver de l’eau. C’est pénible. On espérait s’en sortir pour de bon, mais c’est loin d’être le cas visiblement!» se plaint Assibi, une paysanne rencontrée par Sputnik et qui travaille dans un champ situé à quelques centaines de mètres de l’endroit où l’ouvrage a été construit.
Assibi avec ses enfants dans son petit champ non loin du barrage
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C'est en saison sèche que l'accès à l'eau est particulièrement éprouvant. Il faut en effet parcourir des kilomètres pour trouver une source d'eau. «Quand vient la pluie, des eaux stagnantes dans les creux de montagnes parviennent à nous soulager un peu», reconnaît Assibi.
Au Nord du Togo, la saison pluvieuse court, généralement de juin à septembre. On y en registre en moyenne des précipitations de 1.200 millimètres par an.
Un projet prometteur
Lors de l'inauguration provisoire de l’ouvrage le 8 juillet 2021 à Sidiki, les autorités locales de même que les responsables de l’entreprise chargée de la construction, s’étaient montrées satisfaites de l’aboutissement de ce projet initié par un fils du milieu dont le nom n’a pas été dévoilé.
Ce dernier avait réussi à mobiliser des ressources privées de l’ONG AGIR-France, à hauteur de 76 millions de FCFA [116.000 euros] pour le financement de ce projet.
À qui la faute?
«Nous avons fait les choses dans les règles de l'art», se défend de son côté, Samarou Nourounou, l’expert des travaux publics qui a contrôlé la bonne exécution des travaux de construction du barrage.
Interrogé par la radio rurale communautaire des savanes, il s'est défendu déclarant que la quantité d’eau recueillie dans la digue après des pluies successives a dépassé la capacité prévue par les calculs des topographes. L’eau a débordé et provoqué «la destruction du barrage par enfouissement». L'expert n'a toutefois pas fait expressément porter la responsabilité de ce qui s'est passé aux topographes.
Ce barrage étant «un barrage-poids [par opposition notamment aux barrages-voûtes] en remblai», a-t-il précisé, «sa stabilité est techniquement fonction du poids de l'eau et de celui des matériaux de barrage».
Les éléments utilisés pour la construction du barrage en remblai
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Vue de près de la faille laissée par l’eau dans le barrage qui a cédé
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Contrairement à d'autres barrages-poids – comme ceux en béton –, le barrage en remblai, est un généralement construit à partir d’éléments de maçonnerie, de roche et de terre.
Le barrage va être repris
Joint par Sputnik, Yempouadeb Gountante, le maire de Tone 1 dont relèvent les deux villages, a déclaré que ce barrage ne sera pas laissé dans cet état. Il affirme que les dispositions sont en train d’être prises pour sa réfection.
Vue d'une partie restée intacte du barrage
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Vue de l'étendue du sol rocailleux autour des villages des monts Sidiki
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«Si le projet a été conçu, c’est qu’il y a un réel besoin qui a été exprimé par la population des villages de Sidiki et de Konkoagou.
Donc nous ne pouvons pas laisser ce projet dans cet état. Le barrage va certainement être reconstruit. Nous avons même déjà écrit dans ce sens au partenaire», a déclaré le maire.
L’entreprise qui a construit le barrage a été également saisie, assure-t-il, pour des explications afin de situer les responsabilités.
De 25% seulement en 2015, le taux d’accès à l’eau potable au Togo a été porté par le gouvernement togolais à près de 70% en 2019 grâce à plusieurs programmes couvrant les cinq régions économiques du pays.
Au moins 5000 forages équipés de pompes à motricité humaine ont ainsi pu être installés en milieu rural, et 3200 forages en panne ont été réhabilités. D’après la feuille de route de l’actuel gouvernement, l’objectif est d'atteindre au Togo des taux d'accès à l'eau potable de 95% en milieu rural, 85% en milieu semi-urbain, 75% en milieu urbain hors Lomé et de 80% dans le Grand Lomé à l'horizon 2025.