Il a la vingtaine à peine et vient de projeter virtuellement, crise sanitaire oblige, ses œuvres aux Beaux-Arts de Paris. Mais pour le public togolais, le jeune sculpteur Atisso Goha, Oscar de la créativité africaine du concours international de sculpture du Caire en 2019, a choisi les jardins de l’institut français de Lomé pour exposer ses statues géantes, qui sont devenues un peu sa marque de fabrique au point qu'il a été surnommé «le sculpteur des géants».
L’objectif de cette exposition, qui se déroule de juillet à octobre 2021, est de susciter la curiosité des jeunes qui visiteront le lieu d'exposition en les poussant à réfléchir sur quelques messages qu'il divulgue à travers son art.
«Je veux que les Africains comprennent que tout ce que subit leur continent aujourd’hui est injuste. Mieux, s'ils se rendent compte qu'ils peuvent apporter le changement, ce sera peut-être le début pour une nouvelle Afrique», affirme l'artiste togolais à Sputnik.
Certaines œuvres sont composées, chacune, de plusieurs pièces disposées côte à côte. À travers ce jeu de regroupement de sculptures, l'artiste togolais visite les valeurs qui font l'essence de l'identité africaine. «Humanité», «les frères», «le mur» ou encore «les gardiens de la paix», autant d'œuvres «regroupées» pour appeler à un retour aux «valeurs propres à l’Afrique», seule condition, insiste-t-il, pour son développement.
«Barrage» contre le terrorisme
À travers le regroupement de sculptures dénommé «le mur», l’artiste togolais dénonce les conflits et le terrorisme sur le continent. Il appelle les Africains à s’unir pour constituer «un barrage» contre ces phénomènes qui «n’honorent pas le continent».
«Aujourd'hui avec le terrorisme, des Africains versent le sang d'autres Africains au nom de certaines idéologies. Des gens tuent leur prochain pour rien. Nous pouvons ensemble stopper tout cela. "Le mur" symbolise donc ce barrage. L'Afrique a besoin de ses fils pour se construire et se développer», a déclaré Atisso Goha.
L'idée d'union se retrouve dans l'œuvre «les frères», semblables malgré leurs différences, et unis. L’artiste développe, en effet, dans cette exposition, la vision d’une Afrique développée avec pour fondement la fraternité. D’où «les frères» vivant en harmonie, autour d’une vision consensuelle du développement continental et de la paix dont ils seront les «gardiens» (gardiens de la paix, un titre donné à un autre regroupement de sculptures).
«L'homme africain est par essence gardien de la paix. Je voudrais inviter les Africains à en prendre conscience», explique-t-il.
Sacrifier ses valeurs, sacrifier son développement
À travers le titre «l’humanité», Atisso Goha s’offusque, enfin, contre le sous-développement qui ravage le continent africain, qui n'est pourtant pas le moins loti en termes de richesses.
«Cela me dérange», poursuit l’artiste togolais, regrettant par ailleurs que les Africains abandonnent leur identité culturelle au profit de celles occidentales, «sacrifiant du coup, le développement du continent».
L’artiste togolais travaille sur du bois ou des troncs d’arbres, produisant des statues allant jusqu’à cinq mètres de hauteur. Celles actuellement en exposition à l’institut français de Lomé sont limitées à trois mètres de hauteur. Interrogé sur le choix du grand format, il répond avec le sourire que la grandeur est justement l'idée qu'il se fait de l'Afrique.