Comme l’avait souligné auparavant l’Élysée, Emmanuel Macron a pris «très au sérieux» les révélations du Monde et de Radio France, selon lesquelles son numéro de téléphone ainsi que ceux d’Édouard Philippe et de 14 membres du gouvernement faisaient partie des «numéros sélectionnés par un service de sécurité de l'État marocain [...] pour un potentiel piratage».
Même si, selon l’Élysée, «aucune certitude à ce stade n'est apparue», le Président français a changé par prudence de «téléphone et de numéro de téléphone pour certains échanges», et a exigé «un renforcement de tous les protocoles de sécurité».
De son côté, le royaume renforce sa défense. Dans une interview accordée au Journal du dimanche (JDD), son ambassadeur en France Chakib Benmoussa a assuré que «le Maroc n’a pas espionné le Président Emmanuel Macron».
«Il n'a pas non plus espionné l'ancien Premier ministre ou des membres du gouvernement. D'ailleurs, aucun élément ne corrobore cela», a-t-il ajouté, pointant des «liens humains et culturels extrêmement forts» entre les deux pays.
«Le Maroc est une victime»
Le diplomate a en outre souligné que son pays n’avait aucune raison d’«entreprendre de tels actes d’espionnage», que dans cette histoire le Maroc était «une victime» d’une «tentative de déstabilisation» et que «les acteurs qui ont initié ce processus, avec des accusations fortes, doivent maintenant apporter des preuves».
À la question de savoir si l’Algérie pouvait être impliquée dans l’affaire, M.Benmoussa a répondu de manière évasive:
«Il existe des réseaux hostiles au Maroc en France et ailleurs, qui sont dans une logique de déstabilisation. Certains acteurs qui considèrent notre pays comme un ennemi surfent sur cette vague. Qui a alimenté tout cela? Qui en a été l'instigateur? Des questions pour l'instant ouvertes. Il est de notoriété publique que les succès du Maroc en Afrique ne font pas plaisir à tout le monde, notamment à notre voisin».
Il constate également «un timing particulier». Notamment le fait que des «éléments disponibles il y a un an» apparaissent à l’approche de la Fête du trône et avant des élections législatives, régionales et locales ainsi que dans «un contexte où le Maroc réalise des avancées sur de nombreux sujets».
«Des allégations mensongères»
Le 22 juillet, le Maroc a annoncé sa décision d’attaquer en diffamation Forbidden Stories et Amnesty International, organisations qui avaient obtenu une liste de 50.000 numéros de téléphone, sélectionnés par les clients de la société israélienne NSO depuis 2016 pour être potentiellement surveillés, et l'ont partagée avec un consortium de 17 médias qui ont révélé son existence dimanche 18 juillet.
«L'État marocain entend immédiatement saisir la justice française car il souhaite que toute la lumière soit faite sur les allégations mensongères de ces deux organisations qui avancent des éléments sans la moindre preuve concrète et démontrée», poursuit Me Olivier Baratelli, avocat du Maroc, dans un communiqué cité par l’AFP.
L’Algérie également ciblée
Selon les données partagées par Forbidden Stories et Amnesty International avec Le Monde, plus de 6.000 numéros de téléphone appartenant aux personnalités les plus importantes du pouvoir algérien ont été sélectionnés en tant que cibles potentielles du logiciel-espion Pegasus par le client marocain de l’entreprise israélienne NSO.
Il s’agit de responsables politiques, de hauts gradés militaires, de chefs des services de renseignements, de hauts fonctionnaires, de diplomates étrangers en poste ou de militants politiques.
L’Algérie a déjà exprimé sa «profonde préoccupation» suite à ces révélations et a condamné «vigoureusement cette inadmissible atteinte systématique aux droits de l'homme et libertés fondamentales», une «pratique illégale, malvenue et dangereuse».