Et si la solution à la crise libanaise venait du Vatican? Le pape François a réuni le 1er juillet dix archevêques libanais au Saint-Siège pour discuter de la situation au pays du Cèdre. Toute la mosaïque chrétienne libanaise était présente, de la communauté arménienne à la communauté maronite en passant par la chaldéenne, la melkite et l’orthodoxe. Le matin même, le souverain pontife avait entonné le Notre Père en arabe à la basilique Saint-Pierre de Rome.
Face à la situation catastrophique au Liban, il n’a pas manqué de rappeler son soutien inconditionnel à la résolution pacifique de la crise. «Il faut donner aux Libanais la possibilité d’être protagonistes d’un avenir meilleur», a-t-il déclaré avant d’ajouter: «Le pays ne s’effondre pas, mais entame un chemin de reprise.» Le Saint-Père fait du Liban la priorité de la diplomatie vaticane. «Le Vatican a un pouvoir considérable», estime Amin Elias, docteur en philosophie politique à l’université libanaise.
«Lorsque le Saint-Siège dit quelque chose, il impulse une nouvelle dynamique, c’est un lanceur d’alerte en quelque sorte, il veut se faire le héraut des opprimés et des nécessiteux au Liban. Oui, il n’a pas le poids de la Russie, de la Chine ou des États-Unis. Mais son action pour le Liban dépasse le cadre de la symbolique, il y a une attache bilatérale profonde», résume-t-il au micro de Sputnik.
Ce n’est pas la première fois que le souverain pontife montre un intérêt particulier pour le Liban. Le Premier ministre désigné Saad Hariri avait rendu visite au pape François le 22 avril dernier. La rencontre était censée préparer la future venue du chef de l’Église catholique au Liban. En décembre déjà, dans son message pour Noël, le Saint-Père avait déclaré vouloir se déplacer au pays du Cèdre «dès que possible». Selon le Vatican, le pape François pourrait «peut-être» voyager au Liban d’ici à la fin de l’année, de préférence en présence d’un nouveau gouvernement.
Il s’inscrirait dès lors dans la lignée de ses prédécesseurs qui avaient fait le déplacement au pays du Cèdre. Jean-Paul II s’y était rendu en 1997. Lors de cette visite, il avait déclaré dans une lettre apostolique: «Le Liban est plus qu’un État, c’est un message.» État multiconfessionnel, musulmans et chrétiens coexistent au Liban et le pays du Cèdre est ainsi souvent cité pour contrer les penseurs d’un choc des civilisations entre l’Orient et l’Occident. Son successeur Benoît XVI s’y était également déplacé en 2012.
Mais quel pourrait être l’impact d’une telle visite sur la crise libanaise?
Le Pape a rencontré un haut dignitaire chiite en Irak
Depuis son arrivée au Saint-Siège en 2013, le pape François multiplie les déplacements et les prises de position pour tenter de faire bouger les lignes. Mais au regard de la situation libanaise, «il faudrait bien plus que des mots», déplore notre interlocuteur.
«Il serait vain d’attendre quelque chose de concret de la part du pape François. C’est uniquement éphémère. Même les grandes puissances se cassent les dents sur le mur libanais», souligne-t-il.
Et c’est peu dire, le petit État donne du fil à retordre aux puissances occidentales. La France et les États-Unis peinent à imposer des réformes politiques. Mais indépendamment de la symbolique du message papal, le souverain pontife voudrait redonner au Liban son image originelle, celle d’un pays «message universel de paix et de fraternité», a-t-il déclaré le 1er juillet.
Ainsi, il reprendrait la rhétorique du «vivre-ensemble» islamo-chrétien à la libanaise.
«La chrétienté et l’islam ne se comprennent plus»
«Ce message de vivre-ensemble est galvaudé. Aujourd’hui, la chrétienté et l’islam ne se comprennent plus, ils n’ont pas le même logiciel de pensée, le même mécanisme identitaire. Pour les uns, il y a la primauté de la nation, pour les autres, il y a la primauté de la religion avec des références diverses», explique-t-il.
Même le pape François semble conscient de l’impasse libanaise: «Cela suffit d’utiliser le Liban et le Moyen-Orient pour des intérêts et des profits étrangers! a-t-il déclaré. Il faut donner aux Libanais la possibilité d’être protagonistes d’un avenir meilleur, sur leur terre et sans ingérences abusives.» En effet, la politisation des communautés religieuses serait le problème central du Liban:
«Le vivre-ensemble n’existe plus au Liban, c’est une chimère. Une communauté sunnite regarde vers Ankara, l’autre vers Riyad. Chez les chiites, c’est la même chose entre Téhéran et Damas. Chez les chrétiens, il y a définitivement une remise en question de leur enracinement sur cette terre et ils sont divisés entre eux», conclut-il.
Bref, les eaux libanaises sont bien boueuses et il faudra au Pape un miracle pour marcher au-dessus.