Acculé et décrédibilisé au Venezuela, le soutien de la «communauté internationale» reste aujourd’hui le seul atout de Juan Guaido. Et il a décidé d’en faire usage.
Toujours reconnu Président par intérim par les États-Unis, l’ancien député vénézuélien a annoncé le 18 juin qu’une délégation le représentant effectuerait un petit tour du monde, ou en tout de cas de l’Occident. Cette tournée débutera à Washington pour se terminer à Bruxelles, et vise à échanger sur la «levée progressive des sanctions» internationales. L’opposant à Nicolas Maduro a dit sa volonté de discuter avec ses alliés en vue d’obtenir du gouvernement vénézuélien un calendrier électoral. Plutôt que de tenter une sortie de crise, Juan Guaido s’efforce une énième fois de revenir dans le jeu politique vénézuélien.
Guaido politiquement condamné
Arrivée le 21 juin à Washington, la délégation de l’opposition vénézuélienne menée par l’avocat Gérard Blyde participera donc jusqu’au 25 à des réunions avec des responsables du gouvernement américain et des parlementaires, a indiqué le service de presse de l’opposant. Une tournée qui se poursuivra en Europe, visant à obtenir une nouvelle fois le soutien et l’avis de ses alliés dans le cadre de l’«accord de sauvetage national» proposé le 11 mai par Juan Guaido entre l’opposition, le gouvernement et une partie de la communauté internationale. Mais celui-ci n’a que très peu de marge de manœuvre et il est actuellement «dos au mur», considère Christophe Ventura, spécialiste de la géopolitique de l’Amérique latine, dans un entretien accordé à l’IRIS.
Depuis sa reconnaissance comme Président par intérim par une cinquantaine de pays en janvier 2019, sa crédibilité internationale a fondu, du fait de son incapacité chronique à conquérir le pouvoir, ou tout du moins la légitimité populaire. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, Juan Guaido a ainsi demandé la réouverture des négociations, ce qui constitue un «changement stratégique majeur», selon le géopolitologue. Le Président Maduro n’a d’ailleurs pas hésité à se moquer de son adversaire politique:
«Le bobolongo [grand idiot, Juan Guaido, nldr] veut maintenant dialoguer parce qu’il est à l’écart, isolé, battu, que plus personne ne le consulte pour rien […] S’il veut intégrer les dialogues en cours, bienvenue! Mais qu’il ne se prenne pas pour le chef, le leader suprême d’un pays qui ne le reconnaît pas», a-t-il lancé à la télévision publique.
Une donnée intégrée par Washington: la diplomatie américaine se montre plus prudente vis-à-vis du Venezuela et a mis fin à la stratégie offensive de Donald Trump. Depuis plus de deux ans, les États-Unis avaient tout misé sur l’ex-Président de l’Assemblée nationale. Était-ce le mauvais cheval? Même à l’époque, Donald Trump qualifiait en effet Guaido de «faible» et de «gamin», face à un Nicolas Maduro que John Bolton –son conseiller à la Sécurité nationale– qualifiait de «très intelligent» et «fort» dans son livre, La pièce où ça s’est passé (Éd. Talents). Pourtant, le locataire du Bureau ovale n’a pas lésiné sur les moyens dans sa stratégie de changement de régime: pression maximale, embargo sur le pétrole, principale ressource du pays, mise à prix de la tête Nicolas Maduro, opérations de barbouzeries depuis la Colombie. En vain.
Maduro a repris la main sur le dialogue
Bloomberg révélait ainsi en décembre dernier que la nouvelle Administration était davantage disposée à négocier avec le gouvernement Maduro, tandis que Juan Guaido aurait tenté durant plusieurs semaines de joindre Joe Biden. Après plusieurs mois d’attente, en mars dernier, Antony Blinken, Secrétaire d’État, s’est contenté de rappeler platement à l’opposant «l’importance d’un retour à la démocratie» via des «élections libres et équitables». Contrairement à son habitude, l’Union européenne a pris les devants de la diplomatie américaine en retirant son soutien à Juan Guaido dès janvier 2021, ne le considérant plus que comme un «interlocuteur privilégié». D’ailleurs, Joseph Borrell, le chef de la diplomatie européenne, s’est publiquement affiché le 18 juin avec Jorge Arreaza, ministre vénézuélien des Affaires étrangères, à l’occasion d’un forum en Turquie.
Si un haut responsable américain a déclaré à Reuters que la nouvelle Administration n’était «pas pressée» de lever les sanctions, elle pourrait néanmoins les assouplir si Nicolas Maduro montrait des gestes de bonne volonté. Chose faite, le chef de l’État s’étant dit «prêt à dialoguer» avec l’opposition «quand elle veut, où elle veut et comme elle veut.» Comme premier point à l’ordre du jour de ces négociations avec l’opposition et les puissances internationales, Maduro a exigé «la levée immédiate de toutes les sanctions». Des sanctions et un embargo qui empêchent toute reprise économique du pays en 2021.
Levée des sanctions seule issue pour le Venezuela
Depuis janvier 2019, la crise politique et économique fait rage au Venezuela, sous embargo pétrolier des États-Unis. L’inflation y bat des records (+4.000% en un an) et 5,7 millions de réfugiés ont quitté le pays, une crise humanitaire également aggravée par la pandémie. Si Guaido s’est vu contraint de négocier avec Nicolas Maduro, reconnaissant de facto son pouvoir, il est aussi dans l’intérêt du gouvernement d’apaiser ses relations avec Washington pour que l’économie nationale soit moins asphyxiée. Christophe Ventura énumère ainsi quelques concessions demandées à Caracas. Il s’agit notamment de la réforme du Conseil national électoral vénézuélien en vue des élections régionales et municipales du 21 novembre 2021, mais également l’ouverture du pays à l’aide humanitaire des Nations unies et l’assouplissement de peines judiciaires contre plusieurs politiques.