«Une erreur stratégique majeure», reconnaît au micro de Sputnik Éric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes.
Le séisme a secoué la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais semble déjà lourd de conséquences pour tout le paysage politique français. Bref rappel des faits: dans Le Journal du dimanche du 2 mai, Jean Castex a acté le retrait de la liste LREM dans la Région Sud, au profit du candidat sortant Les Républicains, Renaud Muselier.
En d’autres termes, il y aura bien une alliance et une fusion des listes entre LR et LREM dans la région PACA lors des prochaines Régionales. Elle fera face notamment à la liste Rassemblement national conduite par l’eurodéputé Thierry Mariani.
«En acceptant cette alliance, Renaud Muselier valide malheureusement la stratégie de Macron pour 2022, qui veut entériner à l’échelle régionale sa stratégie pour la prochaine Présidentielle», regrette Éric Pauget.
Tout porte en effet à croire que cette union fasse en réalité les affaires d’Emmanuel Macron et de la majorité présidentielle. Si les élections régionales s’annoncent pour le moins compliquées pour LREM, la stratégie d’affaiblissement des Républicains pourrait quant à elle porter ses fruits en vue de la Présidentielle de 2022. Le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Sur Europe 1 ce lundi 3 mai, le président de la Commission nationale d’investiture (CNI) du parti a ainsi dit voir dans cette manœuvre une «mauvaise tambouille politicienne» de la part du Président de la République et du Premier ministre afin de «déstabiliser la droite républicaine».
Certains LR «attendent d’aller chez En Marche pour glaner un poste»
Au siège des Républicains, la réaction ne se sera en tout cas pas fait attendre. Quelques heures seulement après l’annonce de cette nouvelle, Christian Jacob, le président de LR, annonçait dans un communiqué que le parti retirait à Renaud Muselier son investiture. Et pour cause: cette alliance embarrasse grandement l’ex-UMP, dont la ligne était jusqu’à présent de refuser les alliances avant le premier tour d’une élection locale avec d’autres partis, quels qu’ils soient.
Contacté par nos soins, Thierry Mariani dénonce de son côté «le double jeu qu’entretiennent un certain nombre de responsables des Républicains» vis-à-vis de la majorité présidentielle. «Mercredi dernier [le 28 avril sur le plateau de BFM-TV, ndlr], M. Muselier expliquait qu’il n’y aurait jamais d’accord d’appareil et qu’il n’accepterait jamais de soutien de LREM», rappelle-t-il.
«On sait très bien qu’il y a toute une série des Républicains qui attendent d’aller chez En Marche pour glaner un poste au gouvernement! à l’exception de quelques-uns (Éric Ciotti, Guillaume Peltier, Nadine Morano), la grande majorité de l’état-major des Républicains a une position très ambiguë», tacle le candidat du RN aux régionales en PACA.
L’eurodéputé en veut pour preuve «le communiqué très ambigu de Christian Jacob». «À deux reprises il signifie qu’il ne faut pas qu’il y ait d’accord avant le premier tour: ça veut dire quoi? Qu’au deuxième tour tout est possible!», s’exclame-t-il.
S’il reconnaît que le parti «traverse une période de difficulté», Éric Pauget se dit quant à lui «confiant» et entend renouer avec «l’ADN de combat et de résistance» de la droite. «Je pense que Les Républicains, sur la base de leurs valeurs et de leurs convictions, sont à même de remporter des élections locales, ce qui s’est vu d’ailleurs lors des élections municipales», glisse-t-il. Raison pour laquelle «c’est une faute de ne pas défendre nos couleurs au premier tour», poursuit le député des Alpes-Maritimes. Et celui-ci de récapituler au passage la ligne fixée par son parti: «Au soir du premier tour, si vraiment il y a un risque d’extrême droite, on peut éventuellement discuter comme cela s’est fait dans le passé et comme cela se fera à l’avenir.»
LR «dérive progressivement vers la majorité présidentielle»
Mais, pour Thierry Mariani, aucun doute: cette alliance en PACA n’est pas une union de circonstance pour tenter de ressusciter une énième fois le fameux «front républicain» face au Rassemblement national, mais, tout au contraire, le signe que LR «dérive progressivement vers la majorité présidentielle».
«Ce parti est aujourd’hui en pleine confusion: ce qu’il se passe en PACA en est l’exemple. Il faut que les Français qui votent pour LR comprennent que ce parti est ferme dans son discours et conciliant avec la majorité En Marche dans ses actes», fustige l’eurodéputé RN.
«La fusion des listes est annoncée par le Premier ministre, c’est-à-dire le chef de la majorité: en réalité, c’est une liste LREM et pas du tout LR! Les Républicains ont retiré leur investiture à Renaud Muselier, par conséquent tous ceux qui sont sur cette liste sont des supporters du gouvernement d’En Marche, qu’ils le veuillent ou non!», surenchérit l’ancien ministre des Transports de Nicolas Sarkozy. Celui qui a claqué la porte des Républicains en 2019 pour rejoindre le Rassemblement national appelle ses ex-collègues à «avoir la même cohérence» et à franchir à leur tour le Rubicon. «Nous voulons l’union nationale avec des gens qui partagent un même programme et des mêmes convictions. Or là ce qu’on a, ce sont des gens qui officiellement défendent des convictions différentes, mais qui sont en réalité d’accord sur une seule chose: se partager les postes», raille-t-il.
Tentative d’OPA de LREM sur LR?
Quoiqu’il en soit, alors qu’un comité stratégique du parti doit se tenir ce mardi 4 mai, la question d’une candidature LR en PACA reste en suspens. Le parti de droite se retrouve dans une position quasi insoluble: s’il accepte de ne présenter aucun candidat face à Renaud Muselier, qui n’est plus investi par le parti, il accepte indirectement l’idée union avec LREM est possible avant le premier tour d’une élection; inversement, s’il présente son propre candidat, le risque est de morceler l’électorat et d’offrir un boulevard à Thierry Mariani et au Rassemblement national dans la région. Interrogé à ce sujet, Éric Pauget se dit «très favorable» à une nouvelle candidature LR dans le Sud.
«Je pense qu’on est en mesure de rassembler des élus LR qui n’acceptent pas cette alliance avec Macron. Le délai est un peu court, mais je ne désespère pas que dans les tous prochains jours, on puisse annoncer une alliance LR en région PACA. Sinon, ce serait vraiment le déshonneur de la droite», lance-t-il.
En attendant de connaître la ligne décidée par Les Républicains en PACA, d’autres régions pourraient à leur tour connaître un scénario identique. Il se murmure ainsi que dans la région Grand-Est, où le président sortant Jean Rottner (LR) est menacé par une poussée du RN, une alliance avec la ministre déléguée à l’Insertion, Brigitte Klinkert, est sérieusement envisagée. La tentative d’OPA de LREM sur LR n’a donc pas fini de faire parler d’elle.