Les rues d’Alger étaient interdites aux étudiants en ce 114e mardi du Hirak, le 27 avril 2021. Un dispositif policier de grande envergure a été déployé dans les principales artères de la capitale, notamment dans l’axe Place des Martyrs-Rue Didouche Mourad. Les services de sécurité avaient ordre d’empêcher cette manifestation, devenue un rendez-vous hebdomadaire militant au même titre que les marches du vendredi. Toutes les tentatives de former des rassemblements et d’entamer une procession ont été systématiquement contrecarrées par les policiers. Les premières interpellations ont lieu aux environs de 10h.
Des seniors engagés
Les policiers ont ciblé les étudiantes et les étudiants considérés comme les meneurs du mouvement. Ils n’ont pas hésité à interpeller d’autres personnes qui ont pour habitude de participer ou de suivre de près les marches du mardi. Parmi elles, Louisa Aït Hamadouche, politologue et enseignante à la Faculté des Sciences Politiques d’Alger.
Des personnes âgées ont également été prises dans les filets de la police. Certaines d’entre elles ont suivi toutes les marches du mardi depuis février 2019, en faisant en sorte de former un cordon de protection entre les étudiants et les agents anti-émeutes. Mais cette stratégie n’a pas fonctionnée en ce 114e mardi: jeunes comme moins jeunes se sont retrouvés dans des fourgons cellulaires.
«J’ai été embarqué avec neuf retraités âgés de 60 à 72 ans. Je dois dire que j’ai passé une journée extraordinaire car j’ai été impressionné par leur détermination. Ils sont restés dignes et fiers durant de longues heures, malgré le jeûne [du Ramadan, ndlr] et la fatigue. Dans l’ensemble, les policiers étaient corrects. Mais il est inconcevable de laisser des personnes âgées et malades dans un commissariat à attendre jusqu’à 19h, sans aucune information», souligne-t-il.
Déclaration sur l’honneur
Toutes les personnes interpellées, ont été relâchées le soir même, à l’exception d’un jeune homme soupçonné d’être lié à l’organisation islamiste Rachad. Hassan Mebtouche estime que le pouvoir veut en finir au plus vite avec les manifestations du Hirak. «Ils doivent penser que la marche du mardi est la plus facile à empêcher», précise le militant. Les autorités semblent vouloir éviter toute manifestation dans l’espace public, quitte à utiliser des moyens détournés.
«Dans les commissariats, les policiers nous ont fait signer une déclaration sur l’honneur selon laquelle nous nous engageons à ne plus participer aux marches. En fait, cet engagement a été inséré au bas des procès-verbaux d’audition, un procédé sournois surtout dans le cas de vieilles personnes qui ne savent pas lire la langue arabe. D’ailleurs certains ont refusé de signer ce PV», indique Hassan Mebtouche.
«Les étudiants sont déterminés, ils vont revenir mardi prochain au centre-ville d’Alger. Ils sont prêts à se faire embarquer une nouvelle fois et même à aller en prison. Ils ne veulent pas abandonner un engagement militant de deux années, c’est inconcevable. Certains d’entre eux ont raté leur année et d’autres ont des problèmes avec leurs familles. Quant à mois, je n’ai qu’un seul engagement, celui que j’ai signé le vendredi 22 février 2019, premier jour du Hirak», insiste Hassan.
Ce mouvement citoyen était né en contestation de la perspective d'un cinquième mandat présidentiel du Président de l'époque, Abdelaziz Bouteflika. Après le désistement de celui-ci, le mouvement s'est poursuivi avec pour objectif le changement et la démocratisation du système politique.