«Le Brexit a été un facteur qui a contribué à la dégradation de la situation» en Irlande du Nord

Pourquoi les jeunes d’Irlande du Nord expriment-ils leur colère violemment dans la rue sur fond de Brexit? Analyse du professeur Pierre Vercauteren au micro de Rachel Marsden.
Sputnik

L’Union européenne est-elle, au moins en partie, responsable des émeutes qui ont éclaté dans cinq villes d’Irlande du Nord ces derniers jours?

Les autorités affirment que les violences –dont des cocktails Molotov lancés sur la police– ont été pour la plupart perpétrées par des jeunes. Cela rappelle la terreur qui a sévi en Irlande du Nord à la fin du XXe siècle, lorsque l’armée républicaine cherchait à mettre fin au règne britannique sur la région. 

«Guerre civile»: les émeutes en Irlande du Nord réveillent de vieux démons
Mais un cessez-le-feu est intervenu en 1997 et l’aile politique de l’IRA, le Sinn Féin, a accepté une invitation à des pourparlers de paix. Ces négociations ont abouti à l’Accord du Vendredi Saint en 1998. Les postes-frontière entre le nord et le sud ont fini par disparaître et le calme a ensuite régné en Irlande pendant près de deux décennies. 

Les turbulences actuelles interviennent sur fond de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. En quoi le Brexit aurait-il pu les provoquer?

Pour Pierre Vercauteren, professeur à la faculté de sciences économiques, sociales, politiques et de communication à l’Université catholique de Louvain, le passé tout récent de la région n’encourage pas à chercher d’autres recours que la violence:

«On pouvait s’y attendre. On avait déjà assisté à des violences pendant les négociations du Brexit qui donnaient un avant-goût de ce qui pouvait se produire après. Les autorités se montraient soucieuses que cela n’aille pas au-delà. Il fallait le prévoir.»

Cette situation serait-elle en train d’établir une sorte de colonie de l’Union européenne au sein du Royaume-Uni en Irlande?

«C’est là que les effets du Brexit sont complexes. L’Union européenne ne souhaite pas créer une colonie en Irlande du Nord, je crois qu’il faut être extrêmement clair. Par contre, l’UE est très ferme sur l’idée de ne pas avoir de rétablissement de frontière dure entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande compte tenu de l’importance des liens qui existent sur les plans familial, économique et commercial et qui créeraient davantage de difficultés. Dans ce sens comme dans l’autre, il y aura des mécontents et ces mécontents sont très bipolarisés», explique l’universitaire.

L’Accord du Vendredi Saint spécifiait que le peuple serait consulté en cas de changement. Les Irlandais ont-ils été consultés sur les mesures négociées par la Grande-Bretagne et l’Union européenne les concernant après le Brexit? Le calendrier rendait une consultation quasi impossible, à moins de demander un report de l’entrée en vigueur du Brexit, considère Pierre Vercauteren.  

«Une fois que l’accord du Brexit a été négocié entre les autorités du Royaume-Uni et l’Union européenne, il n’y a pas eu de référendum sur l’acceptation de cet accord par les Nord-Irlandais. Je pense que les autorités britanniques ont préféré jouer sur la précipitation. À cet égard, le Brexit a été un facteur qui a contribué à la dégradation de la situation.»

Peut-il y avoir une contagion à l’Écosse et un possible référendum d’indépendance?

«Tout au long des négociations sur le Brexit, l’Écosse était en position d’attente, mais elle a toujours fait savoir qu’elle souhaitait rester dans l’UE. C’est comme une bombe à retardement depuis que la majorité est en faveur de l’indépendance de l’Écosse. Tôt ou tard, Boris Johnson devra trouver une solution et on peut s’attendre à voir d’autres foyers s’allumer au sein du Royaume-Uni.»
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