Algérie: la police fait la chasse aux VTC

La police algérienne a décidé de sévir contre les chauffeurs d’applications VTC. Tolérées par les autorités, ces entreprises ne disposent pas d’agrément pour exercer cette activité. Cette campagne de la police a été déclenchée suite à une plainte de la section syndicale des chauffeurs de taxi d’Alger.
Sputnik

Slimane est très en colère, il se retrouve sans travail depuis presque une semaine. Conducteur pour une application VTC (Voiture de Transport avec Chauffeur), il a été arrêté par un policier au centre d’Alger au moment où une cliente montait dans sa voiture.

«L’agent de police a vérifié mes papiers puis m’a demandé de justifier la présence de cette dame dans mon véhicule. Je lui ai dit que je travaille pour l’application Yassir et que je suis autorisé à transporter des clients. Il n’a rien voulu savoir, selon lui l’ordre de mission que m’a remis la société qui gère l’application n’a aucune valeur légale. J’ai eu droit à une contravention. Cela aurait pu être pire car j’ai échappé à la mise en fourrière de mon véhicule pour une durée de 15 jours», explique Slimane à Sputnik.

Revenu de substitution

Père d’une famille de cinq enfants, Slimane, la cinquantaine, était comptable dans une entreprise de construction qui a fait faillite à cause de la crise sanitaire. L’activité de VTC lui permet d’avoir une entrée d’argent le temps de retrouver un nouvel emploi. «Je peux avoir un bénéfice net de 50.000 dinars (320 euros) par mois. Mais pour cela je dois travailler sans arrêt en utilisant plusieurs applications de VTC», indique-t-il. Slimane dit être étonné par cette campagne de chasse aux chauffeurs de transport. «D’habitude, lorsque les policiers nous arrêtaient, il suffisait de présenter un ordre de mission. À Alger, la règle est claire: il faut éviter de prendre des clients de l’aéroport et de la gare routière qui sont des espaces dédiés exclusivement aux chauffeurs de taxis», note-t-il. 

Yassir, le VTC algérien qui tient tête à Uber

Activité non règlementée

Sur Facebook, dans les forums VTC, plusieurs chauffeurs racontent avoir subi la même mésaventure que Slimane. Certains ont eu moins de chance que lui puisqu’ils n’ont pas échappé à la fourrière. Il est conseillé d’éviter les grandes artères de la capitale notamment celles à proximité de la gare de l’Agha, principale station ferroviaire d’Alger. Dans leurs commentaires, la majorité des chauffeurs avouent ne pas comprendre pourquoi les ordres de mission délivrés par les entreprises qui gèrent les plateformes n’ont plus aucune validité. En Algérie, le marché du VTC est partagé entre quatre opérateurs, deux algériens Yassir et Coursa, ainsi que deux internationaux Heetch (startup créée en 2013) et Careem (filiale d’Uber dans les pays arabes). Les autorités algériennes ont toléré cette activité depuis son apparition en 2017, mais elles n’ont jamais accordé d’agrément à ces entreprises. Les seuls transporteurs reconnus par la loi sont les taxis. D’ailleurs une série de plaintes du syndicat des conducteurs de taxis d’Alger pourrait être à l’origine de la chasse aux VTC.

Plainte de la section des taxis d’Alger, dépendant de la centrale syndicale UGTA, adressée au directeur général de la sûreté nationale. Ses membres dénoncent la concurrence déloyale des plateformes de VTC et de leurs chauffeurs «qui activent dans la plus totale illégalité».

Le syndicat des chauffeurs de taxis d’Alger a également adressé des correspondances au ministre du Transport ainsi qu’à l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) pour dénoncer les campagnes publicitaires des plateformes de VTC diffusées sur les télévisions. Sputnik a tenté de contacter les membres de cette section syndicale, la direction générale de la sûreté nationale ainsi que les directions des entreprises de VTC pour en savoir plus sur cette activité mais aucune partie n’a souhaité réagir. Le responsable d’une entreprise de VTC a toutefois indiqué, sous couvert de l’anonymat, «qu’une campagne similaire» avait déjà eu lieu par le passé.

«Notre situation n’est pas très claire car notre activité est inscrite dans le registre de commerce bien que nous n’ayons pas d’agrément officiel du ministère du transport. Nous sommes donc en attente d’une décision des pouvoirs publics pour réglementer ce secteur qui connaît une croissance importante», précise notre source. 

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Le VTC permet à de nombreuses personnes d’avoir un salaire ou des revenus d’appoint en cette période de crise. Ce mode de transport est également très utile dans une ville comme Alger où les taxis sont insuffisants et peu pratiques. Slimane, pour sa part, a décidé de mettre en veilleuse ses applications. «Je ne peux me permettre une mise en fourrière de mon véhicule», indique le père de famille.

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