Si l’issue de la présidentielle du 11 avril prochain au Tchad ne fait l’objet d’aucun suspens, la candidature d’Idriss Déby Itno à sa propre succession est toujours au centre de toutes les controverses dans le pays. Dans un élan contestataire, des partis d’opposition, organisations de la société civile, syndicats et mouvements de jeunes se sont mobilisés contre la candidature de celui qui a été élevé, l'année dernière, à la dignité de «maréchal». N'Djaména a réagi en interdisant systématiquement toutes les manifestations de l'opposition et de la société civile, sous prétexte qu’elles sont «susceptibles d'occasionner des troubles à l'ordre public».
Boycotts en série
Dans le pays, si la tension est montée d’un cran à l’approche de la présidentielle, elle a aussi été à l’origine de nombreux désistements. Plusieurs partis politiques et organisations de la société civile se sont clairement inscrits dans la logique du boycott. C'est le cas de trois figures majeures de l’opposition tchadienne: l’opposant historique Saleh Kebzabo, l'avocat Théophile Bongoro et Ngarlejy Yorongar. D'autres opposants comme Succès Masra, leader des «transformateurs», dont la candidature n'a pas été retenue, s’est aussi engagé à leurs côtés dans cette contre-campagne.
Les partisans du boycott dénoncent pour la plupart l'absence de transparence du processus et soutiennent que «les conditions ne sont pas réunies pour assurer un scrutin crédible et transparent». Dans une récente interview accordée à Sputnik, Saleh Kebzabo, évoquant les raisons du retrait de sa candidature, pointait du doigt le verrouillage du jeu démocratique.
«Le retrait de notre candidature est tout simplement le résultat de ce que nous vivions, à savoir que tout est ficelé dans ce pays pour que l’élection ne soit pas gagnée par d’autres candidats [qu’Idriss Déby, ndlr]», a-t-il expliqué.
Une victoire assurée de Déby
Cependant, sur la quinzaine de candidatures de départ, quelques opposants tiennent encore à aller à cette présidentielle contre le Président Idriss Déby Itno. Le Président sortant, au pouvoir depuis 1990, aura face à lui six opposants, le 11 avril. Il s'agit de Romadoungar Félix Nialbé, Brice Guedembaye Baimon, l'ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacké, la première femme candidate à une élection présidentielle au Tchad et ancienne ministre Lydie Beassemda, Théophile Yombombé et Alladoum Djarma Baltazar. Des candidats taxés de «faire-valoir» par de nombreux observateurs et qui sont loin de faire le poids, constate David Eboutou.
«L’alternance à la tête du Tchad est quasi-impossible du fait du verrouillage des institutions qui assurent l'organisation du jeu démocratique totalement acquises à la cause du maréchal Idriss Déby Itno. De la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui enrôle et publie les listes des candidatures validées jusqu'à la Cour suprême qui décide en dernier ressort, toutes ces institutions sont inféodées par le Président de la République qui les contrôlent de bout en bout. Ce qui ne laisse aucune chance aux autres candidats», poursuit l’analyste.
Dans son rapport 2020 sur l’état de la démocratie dans le monde, l’Economist Intelligence Unit (EUI), think tank britannique, a classé le Tchad comme l’un des pays les moins démocratiques du monde. Le pays occupe le 163e rang sur 167.