«Affaire Rafale»: Éliane Houlette, une magistrate au service du pouvoir?

L’ex-procureure du Parquet national financier aurait, selon Mediapart, étouffé des signalements sur des soupçons de corruption dans la vente des Rafale en Inde. Éliane Houlette aurait ainsi protégé François Hollande, Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian. Le scandale de trop pour cette instance déjà accusée de défendre les intérêts du pouvoir?
Sputnik

Une ristourne fiscale particulièrement avantageuse et des soupçons de corruption: Éliane Houlette, ex-chef du Parquet national financier, a-t-elle «tout fait pour ne rien voir»? Mediapart l’accuse en tout cas dans une enquête étalée sur trois articles: l’intéressée aurait «enterré» une «affaire d’État», en classant sans suite plusieurs signalements qui lui auraient été adressés par l’ONG Sherpa sur les dessous du contrat Rafale en Inde.

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Le plus récent aurait eu lieu en mai 2019, à la suite de révélations du Monde concernant un important rabais du fisc en faveur du partenaire indien de Dassault. Baptisé Reliance, ce partenaire est détenu par Anil Ambani, un proche du Premier ministre indien. Cible d’un redressement fiscal de 151 millions d’euros, Reliance paiera 20 fois moins que prévu. «Bercy a finalement accepté de transiger à 7,6 millions en octobre 2015, six mois après l’annonce du contrat des Rafale», note Mediapart. Le hic, c’est que, selon Le Monde, cette ristourne fiscale aurait été poussée par le ministre de l’Économie de François Hollande… devenu depuis Président de la République.

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En avril 2019, le quotidien du soir relatait ainsi qu’un «proche collaborateur» d’Anil Ambani se serait, «sous couvert d’anonymat», vanté d’avoir rencontré début 2015 Emmanuel Macron «dans son bureau à Bercy, où le problème fiscal s’est réglé par un coup de fil à son administration».

Deux mois plus tard, Eliane Houlette, procureure du PNF, aurait décidé, selon Mediapart, de classer l’affaire, «peu avant de quitter ses fonctions le dimanche 30 juin 2019».

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Se cachant derrière le «secret fiscal», elle n’aurait pourtant, selon l’hebdomadaire, «adressé aucune demande officielle de renseignement au fisc» et aurait «choisi d’appeler de façon informelle, et sans réaliser de compte-rendu écrit, un haut responsable de la direction générale des Finances publiques (DGFiP)».

Quelques mois plus tôt, en octobre 2018, de premières révélations de Mediapart sur les coulisses des négociations du contrat Rafale avaient donné lieu à un autre signalement de Sherpa pour «soupçons de corruption, octroi d’avantages indus, trafic d’influence, complicité de ces infractions, recel de corruption et blanchiment d’argent». L’hebdomadaire révélait alors qu’une co-production de la compagne de François Hollande, l’actrice Julie Gayet, aurait bénéficié d’un coup de pouce financier de 1,6 million d’euros de la part de… Reliance.

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Ces révélations marquèrent le réel coup d’envoi de l’«affaire Rafale». En effet, jusque-là, Paris et New Delhi tenaient bon face aux critiques, en affirmant que Dassault Aviation avait librement choisi Reliance comme partenaire dans ce contrat négocié depuis 2001. Mais tout a dérapa lorsque François Hollande affirma à Mediapart, fin septembre 2018, que c’est le gouvernement indien qui avait imposé Reliance. Un boulevard s’ouvrait alors pour les détracteurs du contrat Rafale.

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Si les déclarations de François Hollande firent grand bruit en Inde, jusqu’à faire vaciller le gouvernement de Narendra Modi, Éliane Houlette classa là aussi l’affaire, «contre l’avis d’un de ses procureurs adjoints», affirme Mediapart. D’ailleurs, selon le média, cette décision d’Éliane Houlette aurait provoqué «un fort émoi à l’époque au sein du PNF».

Mediapart affirme en outre que la patronne du PNF aurait pris cette décision «sans effectuer la moindre enquête», se contentant de ne recevoir «qu’une seule personne dans son bureau»: l’avocat de Dassault. Une entrevue en «off», «de façon informelle et sans rédiger de procès-verbal», insiste le média qui estime que tout cela nourrit «la suspicion» qu’Éliane Houlette «se montrerait peu pugnace sur les affaires qui embarrassent la macronie.» Une affaire qui vient fragiliser, encore plus, un PNF déjà très contesté. Un tableau noir sur lequel nous reviendrons.

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