Rapport de l’OMS sur les origines du Covid: entre la chauve-souris et l’homme, d’autres animaux coupables?

Ce lundi 29 mars, l’OMS rend public un rapport consacré à l’origine du Covid-19. Les chercheurs dépêchés en Chine y privilégient l’hypothèse d’une transmission à l’homme par un animal hôte. Pourtant, le doute persiste…
Sputnik

«Toutes les hypothèses sont sur la table et, pour l’instant, toutes les portes restent ouvertes», certifie à notre micro Jean Dubuisson, chercheur au CNRS, membre du Centre d'infection et d'immunité de Lille. D’où vient le SARS-CoV-2 à l’origine de l’épidémie mondiale qui a déjà emporté près de trois millions de personnes? Un animal réservoir aurait contaminé un animal intermédiaire qui lui-même aurait contaminé un humain. C’est à peu de choses près la thèse la plus «probable» sur les origines du Covid-19 selon les conclusions du rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rendues publiques ce lundi 29 mars. La fuite d’un laboratoire chinois est quant à elle considérée comme «extrêmement improbable». L’organisme précise néanmoins, par l’entremise de son directeur général, que rien n’était encore tranché.

​Le rapport fait suite aux recherches menées par une équipe d’experts de l’OMS dépêchée à Wuhan au mois de janvier 2021, le foyer initial de l’épidémie de Covid-19. Pour le virologue Christopher Payan, interrogé par Sputnik, «quand bien même l’origine du virus est animale, elle n’écarte pas toutes les hypothèses».

Rapport de l’OMS sur les origines du Covid: entre la chauve-souris et l’homme, d’autres animaux coupables?

Des hypothèses tous azimuts

L’OMS penche nettement dans son rapport, et sans grande surprise, vers la transmission du virus à l’homme par un animal. Dans ce processus, dit zoonotique, c’est la chauve-souris, connue pour héberger des cousins du SARS-CoV-2, qui est le premier suspect. Le virus animal aurait muté grâce à des récepteurs plus accueillants chez un autre animal intermédiaire. Avant de franchir «la barrière d’espèces», donc de contaminer un homme et, par voie de conséquence, le reste de ses semblables.

Or un doute demeure, pourquoi une telle distance génétique entre la chauve-souris et l’homme? «Ça ne s’explique pas forcément par une manipulation en laboratoire», nuance le virologue Jean Dubuisson.

«Dans la nature, le virus peut se recombiner et évoluer dans une espèce intermédiaire jusqu’à être prêt à se diffuser chez l’homme. C’est très certainement dans ce chaînon manquant amplificateur que se trouve l’explication la plus probable à l’origine du SARS-CoV-2», précise-t-il à notre micro.

Étienne Decroly, également chercheur au CNRS, est spécialisé en virologie moléculaire. Il s’interrogeait à notre micro sur cette diffusion du virus via une espèce intermédiaire. Il y avait, selon le virologue, quelque chose de «paradoxal» à ce que la Chine dispose de «60.000 échantillons de la faune sauvage et d’animaux d’élevage», sans qu’à ce jour n’ait été identifié l’hôte intermédiaire.

Le pangolin innocenté, les labos toujours suspects: l’origine du Covid fait encore débat
«Il n’est pas sûr que l’animal responsable vienne de la faune chinoise», répond Jean Dubuisson, pour qui la faune asiatique dans sa totalité doit être interrogée. Même son de cloche du côté de l’OMS. Les chercheurs mobilisés à Wuhan appellent dans leur rapport à «réaliser d’autres enquêtes incluant une plus grande étendue géographique».

Les espèces qui transmettent des virus à l’homme sont légion. L’OMS estime que 60% des maladies infectieuses ont une origine animale. Pour le coronavirus, les membres de la famille des mustélidés comme les blaireaux et les furets ou encore des viverridés comme la civette (l’hôte intermédiaire à l’origine du SRAS) sont souvent pointés du doigt. Si le vison (autre mustélidé) est également suspecté pour le SARS-CoV-2, le pangolin a, lui, depuis été innocenté. Quoi qu’il en soit, les experts dépêchés par l’organisme international n’ont pas réussi à trancher.

Autant dire que les origines du Covid-19 ne sont pas près d’être éclaircies! De quoi ouvrir le champ aux conjectures les plus sophistiquées comme les plus farfelues. Reste que ces conclusions ne satisferont pas les sceptiques, tant il est facile de voir dans l’intervention du gouvernement chinois la possibilité d’une étude orientée, voire carrément biaisée. De son côté, Pékin continue de défendre mordicus la thèse d’une importation de produits surgelés contaminés. Des denrées venues de l’étranger, donc, qui auraient échoué sur le marché de Wuhan…

Un rapport sous influence?

Cette hypothèse n’a pas été renvoyée aux oubliettes par l’OMS, qui la juge dans son rapport «possible». Début mars, une trentaine de chercheurs dans une tribune du Monde appelait à «une enquête approfondie et crédible» par les chercheurs de l’OMS envoyés Wuhan. L’inquiétude était de voir cette mission conjointe de l’OMS avec la Chine limitée dans son «indépendance scientifique». Le Pr Liang Wannian, le chef de la délégation de scientifiques chinois, avant même la sortie du rapport de cette semaine, avait écarté dans son entretien du 17 mars au Global Times l’hypothèse d’une fuite d’un laboratoire de Wuhan.

​Pour Christopher Bayan, la piste d’une fuite du laboratoire n’écarte pas pour autant «la provenance animale qui reste la plus probable». Selon le virologue, directeur du laboratoire du CHU de Brest, le virus a pu être «isolé d’un animal, reproduit en laboratoire tout en accouchant d’un variant qui soit plus adapté à l’homme». Le chercheur envisage, lui, une diffusion bien plus antérieure du virus. Il évoque l’étude des universités de San Diego, en Californie, et d’Arizona selon laquelle les premiers cas positifs au Covid-19 seraient antérieurs à la première souche chinoise de décembre 2019.

«Si on suit cette étude, la première forme de SARS-CoV-2 aurait été mal adaptée à l’homme et serait passée à bas bruit dans la population. Des cas ponctuels mais non épidémiques, c’est-à-dire une contamination chez l’homme, mais qui ne se diffusait pas. Puis, à l’occasion de contacts, le virus aurait évolué et commencé à produire des variants bien plus adaptés à l’espèce humaine.»

Cela expliquerait la capacité du virus à engendrer de multiples variants toujours plus adaptés à l’homme, à l’exemple du très contagieux variant anglais.

 

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