Mateusz Morawiecki, Premier ministre polonais, s’est rendu le 17 mars à Paris pour s’entretenir avec Emmanuel Macron. Une visite qui n’a guère retenu l’attention de la presse française.
De son côté, la presse polonaise s’est montrée bien plus prolixe sur cette rencontre au sommet. Elle a souligné que Mateusz Morawiecki et Emmanuel Macron devaient avant tout discuter du développement de la relation économique bilatérale et bien sûr d’énergie. La France, dont l’énergéticien EDF est le leader mondial de la production d’électricité nucléaire, est en effet en lice pour remporter le contrat de la construction du parc polonais de centrales atomiques.
EDF lorgne sur le marché nucléaire polonais
Sur ce dossier, Paris a engagé un bras de fer avec Washington. Les Américains ont en effet signé un accord de coopération énergétique inédit avec Varsovie afin de remporter un contrat estimé à pas moins de 34 milliards d’euros pour faire sortir de terre six réacteurs d’ici 2043. Voilà qui pourrait aussi justifier la discrétion de l’Élysée sur cette rencontre: le nucléaire n’a politiquement pas le vent en poupe en France. Étaler publiquement le soutien de l’Élysée à EDF dans sa conquête du marché du nucléaire civil polonais, alors que l’exécutif français soigner son image écolo depuis les Municipales, ferait désordre. Sur fond d’engagement de réduire la part du nucléaire à 50% à l’horizon 2025, près du tiers des 100 milliards d’euros alloués à la relance économique du pays sont d’ailleurs destinés à la seule «transition écologique».
«Malheureusement, la politique énergétique de la France, qui devrait être une question de souveraineté, d’unanimité nationale, fait l’objet de tractations politiques qui sont extrêmement nuisibles à notre pays», regrettait auprès de Sputnik le lanceur d’alerte écologiste Fabien Bouglé, dénonçant un «pur opportunisme» électoraliste.
L’atome, cette énergie décarbonée, est pourtant de plus en plus sollicité à travers le monde, où 50 réacteurs sont en construction. Souvent salués comme des précurseurs de la dénucléarisation, l’Allemagne, la Belgique et la Suisse font pour l’heure plutôt figure d’exceptions, évoluant à contre-courant.
Énergie nucléaire, variable d’ajustement électoraliste
Le cas allemand est éloquent et révélateur. Dans la foulée de l’accident de Fukushima, Berlin précipita la fermeture de ses centrales pour des considérations essentiellement électoralistes. Plus précisément, il s’agissait d’une concession d’Angela Merkel aux écologistes afin de préserver la coalition qui la maintient au pouvoir depuis 15 ans. Ces mêmes écologistes qui aujourd’hui s’émeuvent à l’idée que des centrales puissent voir le jour à quelques «centaines de kilomètres» des frontières allemandes.
Jean-Bernard Lévy, patron d’EDF, avait invité le gouvernement français à statuer rapidement sur le lancement des chantiers de six réacteurs EPR français. Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique elle-même issu des rangs des écologistes et qui doit son élection aux accords de 2012, a semblé repousser cette échéance aux calendes grecques. «Il est clair que ces décisions auront un impact absolument considérable sur la commande par la Pologne de six réacteurs dans les deux, trois ans qui viennent», soulignait par ailleurs Jean-Bernard Lévy.
En effet, comment la France peut-elle justifier vouloir vendre à Varsovie des centrales nucléaires EPR qu’elle n’est même pas capable de construire chez elle?