L’Assemblée nationale lance ce 15 mars l’examen en première lecture de la proposition de loi «visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels», problème récemment remis sur la table par plusieurs affaires, dont celle du politologue Olivier Duhamel accusé d’avoir abusé de son beau-fils. Parmi les mesures phares de cette proposition du Sénat, l’instauration de l’âge de la présomption de non-consentement à 15 ans.
«Sans présomption de non-consentement, ce sera toujours à la victime d’établir les preuves au magistrat», expliquait en 2018 l’avocate Carine Dielbolt, dont les propos sont cités par les auteurs d’une autre proposition de loi, quasi identique à celle du Sénat, issue de l’Assemblée nationale.
Ces deux propositions de loi – celle de l’Assemblée nationale et celle du Sénat – se fixent un but commun et prévoient, grâce à l’instauration en France d’un seuil de non-consentement, la création d’une nouvelle incrimination pénale. Selon le dispositif, tout acte sexuel commis par un adulte sur un enfant de moins de 15 ans sera considéré comme non consenti et devra dans tous les cas être traité comme un crime et pas un délit. Dans leur exposé des motifs, les sénateurs expliquent que la «requalification de viols en délits» est une pratique répandue dans le droit français.
Le silence brisé
Si cette proposition de loi est revenue sur la scène législative, c’est parce que le contexte sociétal semble l’exiger. En 2020, la publication de l’ouvrage «Le consentement» écrit par Vanessa Springora a remis le sujet sur le devant de la scène. Dans son livre, l’écrivaine française fait part de ses relations sexuelles avec l’écrivain Gabriel Matzneff, aujourd’hui visé par une enquête pour viols sur mineurs. Au moment des faits, elle avait 14 ans, lui 49.
L’inceste a d’ailleurs trouvé sa place dans la future législation. Pour protéger les victimes mineures contre les crimes sexuels au sein de la famille, la proposition de loi examinée à partir d’aujourd’hui par les députés supprime le critère d’âge pour un viol incestueux.
En Russie et ailleurs
Comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, le droit français en la matière «demeure l’objet de l’appréciation "peut mieux faire"». En effet, le seuil de non-consentement existe déjà dans de nombreux pays, et la France pourrait s’inspirer du droit russe, depuis des années strict et univoque à ce rapport. Alors que sous l’ère soviétique était poursuivi tout rapport sexuel avec une personne impubère, depuis 1997 la Russie moderne fixe l’âge du consentement. À différentes périodes, il a varié passant tantôt à 16 ans, tantôt à 14 ans.
Ce crime est passible de plusieurs condamnations, dont une restriction des libertés ou jusqu'à quatre ans l'emprisonnement, stipule le Code pénal russe. Selon Anna Kouznetsova, déléguée aux droits des enfants auprès du Président de la Fédération de Russie, le nombre de crimes de ce type en 2019 s’élevait à 4.996, soit 0,2% de plus qu’en 2018.
Le seuil de non-consentement existe également dans le droit d’autres pays européens, comme au Royaume-Uni ou en Espagne, mais où l’âge varie. Ainsi, selon la loi britannique, un mineur peut consentir à un rapport sexuel à partir de 13 ans, contre 12 ans en Espagne.