Les femmes de la classe dirigeante pourraient avoir joué un rôle important dans la gouvernance de la société El Argar qui a prospéré dans le sud-est de la péninsule ibérique entre 2200 et 1550 avant notre ère, expose une étude publiée le 11 mars dans la revue Antiquity.
Des conclusions tirées par les chercheurs de l'université autonome de Barcelone qui ont analysé des objets funéraires trouvés dans une tombe princière sur le site de La Almoloya, dans la province de Murcie, située dans le sud-est de l'actuelle Espagne.
La tombe, connue sous le nom de Grave 38, contenait les restes de deux personnes: un homme entre 35 et 40 ans et une femme entre 25 et 30 ans, ainsi qu'une trentaine d'objets de valeur, dont beaucoup étaient fabriqués ou ornés d'argent.
La plupart des objets appartenaient à la femme, y compris des bijoux tels que des bracelets, des colliers et des bouchons d'oreille, ainsi qu'un diadème en argent. Ils ont été découverts pour la première fois en 2014, mais les chercheurs viennent de déterminer que la tombe se trouvait sous ce qui était la salle des gouverneurs d'un bâtiment palatial.
Le rôle des femmes
La coauteure de l'étude, Cristina Rihuete-Herrada, a déclaré à CNN qu'être enterré sous la salle du gouvernement aurait légitimé la position sociale de ceux qui se trouvaient dans la tombe. Selon elle, les femmes faisaient partie de l'élite politique dans cette société hautement hiérarchisée.
«Le rôle des femmes dans le passé était bien plus important que nous n’avons osé l’imaginer», ajoute-t-elle, expliquant que les femmes d’El Argar pouvaient avoir un pouvoir politique à part entière dans une société très violente et exploiteuse.
L’autre symbolique du diadème
En outre, les archéologues ont comparé le diadème trouvé à La Almoloya avec quatre autres trouvés dans différentes tombes de la société El Argar pour conclure à leur similitude et leur exclusivité.
«La singularité de ces diadèmes est extraordinaire. C'étaient des objets symboliques faits pour ces femmes, les transformant ainsi en sujets emblématiques de la classe dirigeante dominante», explique Cristina Rihuete-Herrada dans un communiqué publié sur le site de l’université.
Le fait que les femmes d'élite aient été enterrées avec des biens funéraires aussi opulents souligne leur rôle important dans la société El Argar, notent les chercheurs dans l’étude.
Des sociétés modernes gouvernées par les femmes
Dans de nombreuses cultures de l'Antiquité, les femmes ont dû lutter contre les règles et conventions établies pour les hommes et par les hommes qui dominaient le gouvernement, la vie publique et la société. Néanmoins, de nombreuses religions anciennes avaient de puissantes déesses féminines comme Isis en Égypte, et des mythes racontaient que des femmes fortes, telles que les Amazones, et les femmes étaient d'une importance capitale dans la maison et la vie de famille.
De nombreuses femmes ont même rompu les conventions et se sont hissées au sommet de leur société pour diriger seules de vastes empires: Hatchepsout en Égypte, Wu Zetian en Chine et la reine Seondeok en Corée. Et à ce jour, des sociétés matriarcales existent partout dans le monde, parmi lesquelles les Mosuo en Chine, les Minangkabaus en Indonésie, les Akans au Ghana, les Bribri au Costa Rica ou Umoja au Kenya.
Mosuo en Chine
Appelés «le pays où les femmes règnent» ou le «royaume des femmes», les Mosuo se trouvent dans les contreforts des montagnes himalayennes, au bord du lac Lugu dans le sud-ouest de la Chine. Officiellement, le gouvernement chinois les classe comme une minorité ethnique connue sous le nom de Naxi, mais en réalité les Mosuo sont culturellement uniques.
Pour les quelque 40.000 membres du groupe qui s’appellent les Na, la politique de l’enfant unique de la Chine n’a aucune influence. En effet, ils pratiquent le matriarcat depuis des milliers d'années.
Chaque grande maison est dirigée par un ah mi, la matriarche, et la propriété et la lignée sont transmises par la lignée féminine. En règle générale, les femmes s'occupent des affaires et les hommes s'occupent des animaux.
Minangkabau en Indonésie
Quant aux Minangkabaus en Indonésie, cette société d'environ 4,2 millions d'habitants se trouve dans les hautes terres de l'ouest de Sumatra. Les femmes dirigent généralement le domaine domestique tandis que les hommes assument le leadership politique et spirituel. Cependant, les deux sexes estiment que la séparation des pouvoirs les maintient sur un pied d'égalité.
Bien que le chef de clan soit toujours un homme, les femmes choisissent le chef et peuvent le démettre de ses fonctions si elles estiment qu'il n'a pas rempli ses fonctions.
Akan au Ghana
Les Akans sont majoritaires au Ghana. L'organisation sociale Akan est fondamentalement construite autour du matriclan dans lequel l'identité, l'héritage, la richesse et la politique sont tous déterminés.
Tous les fondateurs de matriclan sont des femmes, mais les hommes occupent traditionnellement des postes de direction au sein de la société. Cependant, ces rôles hérités sont transmis de manière matrilinéaire, c'est-à-dire par les mères et les sœurs d'un homme (et leurs enfants). On s'attend souvent à ce que l'homme subvienne non seulement aux besoins de sa propre famille, mais aussi à ceux de ses parentes.
Bribri au Costa Rica
Les Bribri sont un peuple indigène de la province de Limon au Costa Rica et au Panama qui compte entre 12.000 et 35.000 membres. Leur société fonctionne sur une ligne matrilinéaire. Les femmes transmettent la terre à leurs enfants et la tradition et la lignée tribale à leurs petits-enfants. Chaque Bribri appartient à un «clan» qui est déterminé par sa mère.
Seules les femmes sont autorisées à préparer la boisson traditionnelle au cacao utilisée dans les rituels sacrés, ce qui leur confère une certaine supériorité spirituelle. Selon la légende de Bribri, le cacaoyer était une femme transformée en arbre par les dieux.
Umoja au Kenya
Umoja est un exemple inhabituel de matriarcat où les hommes sont interdits. Un véritable no man’s land, le village des prairies de Samburu, au nord du Kenya, abrite des survivants d’agressions sexuelles et de violences sexistes. Il est entouré d'une clôture épineuse pour empêcher tous les visiteurs masculins d'entrer.
La matriarche d'Umoja, Rebecca Lolosoli, a fondé le village en 1990 avec 15 survivants de viols aux mains de soldats britanniques. Lolosoli elle-même se remettait d’une attaque par un groupe d’hommes en guise de punition pour avoir fait connaître les droits des femmes dans son village.