Qui dit solidarité nationale dit fraudes. Alors que le montant des aides aux entreprises confrontées aux restrictions sanitaires n’a jamais été aussi important (près de 4,5 milliards d’euros par mois par le biais du seul fonds de solidarité), une affaire d’escroquerie vient entacher le «quoi qu’il en coûte».
«Ces escrocs récupéraient de l’argent issu des indemnités non seulement liées au chômage partiel, mais également liées au fonds de solidarité Covid», détaille devant les caméras de TF1 la responsable de la division de lutte contre la criminalité financière (DLCF) de la police judiciaire (PJ) de Lyon.
Sur place, ses hommes ont découvert 30.000 euros en espèces. En outre, près de 1,4 million d’euros ont été saisis au titre des avoirs criminels sur plusieurs comptes bancaires. C’est donc au minimum un million d’euros d’argent public qui a été détourné dans cette affaire.
Or les demandes frauduleuses pullulent. Après le premier confinement, sur 92.000 dossiers jugés «suspects» transmis aux services de Bercy, ceux-ci ont repéré 33.000 fraudes. Le tout représentant un montant global de 43,6 millions d’euros indûment versés, rappelle Le Monde.
Chômage partiel: un dossier sur cinq suspect
Un chiffre refait surface dans les médias: 225 millions d’euros soutirés par grivèlerie. Mais ce montant est bien en deçà de la réalité. D’une part parce qu’il ne correspond qu’à la fraude détectée, mais surtout parce que ces données datent de l’été dernier. En effet, elles avaient été communiquées à la presse le 17 septembre 2020 par le ministère du Travail.
«On ouvre une caisse pleine de billets et on dit: "Servez vous"», déplorait à l’époque un représentant CGT interrogé par l’AFP. Le syndicaliste suspectait une triche «massive au niveau national». Il dénonçait l’octroi d’indemnités sans justificatif. En plus des contrôles a posteriori opérés après le premier confinement, des contrôles menés a priori ont fait leur apparition en octobre. 15% des dossiers auraient été rejetés, évitant le paiement indu de 2 milliards d’euros, s’est félicité Bruno Le Maire le 24 février.
Les vérifications sont plus indispensables que jamais. En effet, au mois de septembre dernier, quand on a atteint les 225 millions d’euros de détournés, le montant des aides était plafonné à 10.000 euros par mois. Et ce coup de pouce était réservé aux petites PME, aux très petites entreprises (TPE), aux indépendants et aux micro-entrepreneurs.
Depuis décembre, le dispositif a été élargi par Bercy à toutes les entreprises. Cette manne peut même aller jusqu’à 200.000 euros mensuels (dans la limite de 20% du chiffre d’affaires) pour les entreprises de certains secteurs perdant plus de 70% de leurs recettes.
Dans la presse, on dénonce plutôt les sociétés bien réelles qui ne respectent pas les consignes du gouvernement vis-à-vis du télétravail ou s’inventent des salariés. Pourtant, la lutte contre le fléau des entreprises fantômes est d’autant plus importante qu’il est connu de longue date et qu’il est grandement facilité à l’époque du tout numérique.
Hélas, l’État se montre plus efficace pour matraquer le contribuable distrait que pour appréhender le filou bien organisé. Il faut dire qu’abreuver des fonds d’aide pillés par des arnaqueurs, c’est un peu comme remplir le tonneau des Danaïdes.