Des policiers menacés par l’IGPN pour avoir filmé et diffusé un refus d’obtempérer

Un agent de police vient d’être convoqué par l’IGPN. Il est accusé d’avoir trahi le secret professionnel en diffusant les images d’un collègue traîné sur 500 m par la voiture d’un fuyard. Or, pour remplir leur mission plus sereinement, de nombreux policiers réclament le droit de filmer eux-mêmes leurs interventions.
Sputnik

C’est une affaire qui en dit long sur les conditions dans lesquelles la police tente d’accomplir sa mission. Les faits se déroulent dans la nuit du 28 août à Nancy. Contactée par le gérant d’un kebab, à qui des clients ont donné de faux billets et viennent de passer une nouvelle commande, une brigade de police se rend sur place et procède à un contrôle d’identité. Refusant de s’y soumettre, l’un des suspects prend la fuite au volant de sa voiture. Accroché à la portière, l’un des agents est alors traîné au sol sur 500 mètres. La scène, filmée, deviendra une vidéo virale sur Internet.

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L’auteur de la captation est policier. Il est membre d’Unité SGP Police FO, syndicat auquel appartient également l’agent victime. Ce dernier s’en sortira avec de légères blessures. Le chauffard sera appréhendé, ainsi que les occupants du véhicule. Il a finalement écopé de cinq ans de prison ferme le 15 février dernier.

Mais l’histoire n’en était pas terminée pour autant: le 23 février, Unité SGP Police FO publiait un communiqué pour informer de la convocation, par l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN), d’Abdelghani Nahass, secrétaire départemental du syndicat ayant diffusé la vidéo qui lui a été transmise par son auteur.

Saisie par le procureur de Nancy, l’IGPN reproche à celui-ci la violation du secret professionnel par la diffusion d’un élément d’enquête. Un délit pour lequel il encourt un an de prison et 15.000 euros d’amende. Une aberration, dénonce le prévenu.

Selon lui, il s’agirait-là d’une accusation «inédite» et dépourvue de fondement. D’autant plus que l’auteur de la vidéo a lui-même déjà été entendu et que la séquence avait été diffusée intégralement lors du procès du conducteur. Sa collègue, la syndicaliste Linda Kebbab, l’a qualifié de «lanceur d’alerte».

Une mise en garde «politique»?

C’est d’ailleurs cette même vidéo qui a permis de condamner le chauffard. «Pour témoigner de faits, il n’y a rien de plus parlant que la vidéo. Pourquoi tout le monde pourrait-il en faire usage (la plupart du temps pour nous décrédibiliser), sauf la police?» avance Abdelghani Nahass au micro de Sputnik.

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Une accusation qui sidère donc le plus important syndicat de police du pays, qui dénonce une manœuvre politico-judiciaire dirigée à son encontre. «Dans cette affaire, c’est le syndicat qui est visé, le procureur ne peut pas se cacher derrière sa casquette. Notre rôle est de dénoncer les conditions de travail critiques des policiers et cela ne plaît pas à tout le monde», riposte le délégué départemental, qui estime être «poursuivi pour avoir fait ce pour quoi les policiers [l]’ont élu».

«On a essayé de nous destituer de toutes les manières, il ne reste plus que la voie judiciaire pour mettre fin à notre action», poursuit notre interlocuteur, combatif.

Être filmé, mais ne pas se filmer

Cette nouvelle choque d’autant plus les fonctionnaires de police qu’elle intervient peu de temps après les violentes manifestations de protestation contre l’article 24 de la loi Sécurité globale. Celui-ci prévoyait une peine d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d’amende pour toute captation et diffusion d’images des forces de l’ordre destinée à leur nuire. La disposition avait suscité une telle indignation qu’elle a finalement été provisoirement suspendue. 

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Dans un contexte particulièrement tendu, les images de l’interpellation musclée du producteur Michel Zecler ayant été dévoilées au même moment, l’exécutif décidait d’une réécriture prochaine de l’article controversé.

Ainsi un nouvel amendement, déposé le 19 novembre, stipulait-il que «le droit d’informer» n’était pas en danger et que le délit ne serait constitué que si «le but de porter atteinte à l'intégrité physique et psychique» était manifeste. La police n’a pourtant rien à cacher, assure le policier nancéien, qui espère voir davantage de caméras installées.

 «Nous souhaitons une totale transparence, explique-t-il. Cela éviterait que des images soient détournées à des fins idéologiques et, surtout, que l’image de la police soit entachée par “1% de mauvais travail contre 99% de réussite”.»

Un nouveau texte doit justement être présenté d’ici au 3 mars au Sénat, qui souhaite désormais supprimer l’article. Cette fois, plus question de punir la diffusion d’images malveillante de policiers en action, mais seulement la divulgation d’informations qui permettraient de les identifier.

Donc, pour l’heure, la diffusion d’images de la police est actuellement autorisée… Sauf si ces images émanent de la police! Un paradoxe qui n’en est pas un, déplore Abdelghani Nahass, qui y voit plutôt une privation humiliante et infantilisante. «Taisez-vous et travaillez», voici le message. «Mais nous ne nous laisserons pas faire, nous réfléchissons à une véritable réponse.»

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