Pourquoi l’Afrique centrale a-t-elle maille à partir avec la démocratie? Dans son rapport 2020 sur l’état de la démocratie dans le monde, The Economist Intelligence Unit (EUI), think tank britannique, fait état d’un recul de la démocratie, et plus particulièrement en Afrique subsaharienne. Le score de la région est passé à 4,16 en 2020 contre 4,26 en 2018, la plus faible moyenne depuis 2006.
Sur 50 États africains, quatre nations de l’Afrique centrale –la Guinée équatoriale, le Tchad, la République centrafricaine (RCA) et la République démocratique du Congo (RDC)– occupent les quatre dernières marches du classement et sont considérées comme étant des «régimes autoritaires». Sur le plan international, ces pays sont respectivement 160e, 163e, 165e et 166e sur 167 États.
Le Cameroun, qui fait partie de cette sous-région, occupe la 40e place du classement africain et 142e mondial.
L’Afrique centrale, mauvais élève
Cette année, le recul de la démocratie sur le continent africain en général est essentiellement dû à la situation sécuritaire, qui s’est détériorée dans plusieurs États, et à la pandémie de Covid-19. Mais les pays d’Afrique centrale sont néanmoins coutumiers des dernières places dans ce classement. Déjà en 2019, la Guinée équatoriale, le Tchad, la Centrafrique et la RDC étaient logés à la même enseigne.
«Les conséquences de ces tares sont flagrantes, perceptibles sur le terrain avec des crises postélectorales permanentes, les brimades des oppositions politiques, la haute corruption dans des proportions inquiétantes, les déficits de mise en œuvre des politiques publiques, la vulgarisation des conflits armés internes et le taux de pauvreté ou d’insécurité alimentaire très préoccupant», explique l’analyste au micro de Sputnik.
Sur le terrain des libertés individuelles et des droits de l’Homme, Hilaire Kamga, expert des questions de droits de l’Homme, souligne que le recul de la démocratie en Afrique centrale est également imputable à la violation des libertés fondamentales et civiles par le tremplin de cadres juridiques ambigus.
«Dans la plupart des pays d’Afrique centrale, on a davantage de démocratures que de démocraties.»
«C’est-à-dire des régimes qui ont instauré des cadres juridiques qui prédisposeraient à la démocratie, mais quand on y regarde de plus près, on constate que ce cadre juridique consacre et concentre l’ensemble des pouvoirs entre les mains d’un même individu ou d’un même clan. Et ce clan se donne des libertés sur les libertés fondamentales et donc sur les libertés civiles», précise-t-il.
Le défi de l’alternance au pouvoir
Des entraves à la liberté et à la démocratie qui ont fini par transformer les Républiques en monarchies, pour cet analyste, sonnant le glas de l’alternance à la tête d’un pays.
«On affaire à l’éternisation à la tête des États d’officiants improductifs, cloîtrés dans une routine improductive et asphyxiant toute tentative ou tout projet de changement positif […]. Et ces systèmes politiques sont loin de sortir de ces ordres éternitaires puisqu’ils s’attellent tous aujourd’hui à survivre aux Présidents en exercice à travers une fidèle reproduction (dauphinat) par le biais d’héritiers purs (les enfants des Présidents) ou impurs (fils spirituels/poulains)», conclut l’analyste.
Si désormais, plus de la moitié des pays de la région subsaharienne sont considérés comme des régimes autoritaires, un État a quand même trouvé sa place dans la catégorie «pleine démocratie», comme les années précédentes, il s’agit de l’île Maurice. Parmi les meilleures performances africaines subsahariennes dans le classement EUI, le pays est suivi du Cap-Vert et du Botswana dans le trio de tête.
Pour rappel, l’indice de la démocratie de l’Economist Intelligence Unit donne depuis 2006 un aperçu de l’état de la démocratie dans le monde entier pour 165 pays indépendants et deux territoires.