«Je suis là pour les soignants, pour ce que l’on est en train de vivre tous les jours à l’hôpital. Je suis là pour les difficultés que les soignants rencontrent et je suis là pour les malades qui ne peuvent plus être soignés comme ils le souhaitent.»
Devant le parterre de journalistes présents à l’intérieur du tribunal de grande instance de Paris, Farida C. tente d’expliquer la portée symbolique de son procès.
L’infirmière de 51 ans, qui travaille dans un hôpital du Val-de-Marne, comparait ce lundi 22 février pour des faits «d’outrage sur fonctionnaires de police» et de «violence sur des personnes dépositaires de l’autorité publique» sans incapacité temporaire de travail, énumère son avocat, Maître Arié Alimi. Des faits pour lesquels deux mois de prison avec sursis ont été requis à l’encontre de l’infirmière.
En effet, à l’occasion d’une manifestation de soignants à Paris, le 16 juin dernier, l’infirmière était venue crier sa colère sur l’esplanade des Invalides.
Doigt d’honneur et jet de projectiles, signes d’un ras-le-bol?
Durant des heurts opposants policiers et black blocs, l’infirmière avait été interpellée de manière musclée. Des images qui avaient fait le tour des réseaux sociaux et provoqué un tollé dans l’opposition de gauche.
Des faits qu’a reconnus la prévenue lors de son audition, en précisant néanmoins que sa colère n’était pas dirigée contre les policiers, mais contre l’État. Venu soutenir Farida C., avec les syndicats Solidaires et CGT, Éric Coquerel estime au micro de Sputnik qu’il faut se souvenir du contexte.
Le député de La France insoumise souligne que l’infirmière «était épuisée» et surtout qu’elle «en voulait, à raison, au gouvernement de ne pas avoir mis les moyens» pour permettre aux soignants d’affronter l’épidémie de Covid-19 dans des conditions décentes.
«C’est le gouvernement qui devrait être au tribunal aujourd’hui pour avoir placé des soignants comme Farida dans la situation dans laquelle ils ont été face au Covid-19», tonne l’élu de la 1re circonscription de Seine–Saint-Denis.
En outre, le député LFI rappelle que le climat lors de la manifestation était délétère: «vous étiez inondés sous les gaz lacrymogènes dans un contexte où chacun sait que si en plus vous êtes fatigués, épuisés, il peut y avoir des gestes qui n’ont pas lieu d’être.» «Mais tout cela ne vaut pas d’être tirée par les cheveux, menottées et de se retrouver au tribunal», affirme Éric Coquerel.
La police n’a pas vocation à être un exutoire
«Aujourd’hui, on a 57% de soignants dans l’hôpital public qui souffrent de syndromes post-traumatiques. On a au minimum 41% de soignants qui souffrent de burn-out», détaille Me Alimi.
Des propos qui ne convainquent guère Benjamin Camboulives, secrétaire zonal Île-de-France pour le syndicat Alternative Police CFDT.
Comme l’explique le syndicaliste, ce type de geste démontre «une fois de plus le calvaire que vivent mes collègues à chaque mouvement social, une violence réitérée.»
«Les manifestations ne sont pas le lieu où sont permis les exutoires contre les forces de l’ordre. La police n’est pas là pour être l’exutoire d’une population en colère, en l’occurrence la colère des soignants. C’est vraiment l’acte d’une femme que l’on juge aujourd’hui, une personne qui décide de caillasser des fonctionnaires de police», souligne-t-il.
Benjamin Camboulives appelle donc la justice «à couper court au sentiment d’impunité» en apportant une «sanction au geste qui a été commis». Le verdict sera rendu le 3 mai prochain.