Alors qu’il fait déjà face à une crise humanitaire du fait du conflit séparatiste dans ses régions anglophones, le Cameroun doit également supporter l’afflux des réfugiés fuyant les exactions de la secte islamiste Boko Haram au Nigeria et les assauts des rebelles en République centrafricaine (RCA).
Depuis le déclenchement de la crise postélectorale dans ce pays voisin en décembre dernier, le Cameroun enregistre déjà plus de 5.000 nouveaux réfugiés centrafricains dans la région de l’Est, indique le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Cameroun, terre d’hospitalité?
Si à l’est, le Cameroun doit faire face à la prise en charge des Centrafricains, dans sa partie septentrionale, frontalière du Nigeria, le pays abrite également plus de 100.000 Nigérians. Ces milliers d’hommes et de femmes ont trouvé refuge dans de nombreux camps de l’Extrême-Nord.
«Au sortir des indépendances, le Cameroun était un havre de paix au milieu d’une sous-région en ébullition marquée par des guerres civiles à répétition. De ce fait, l’un des principes de la diplomatie camerounaise a été la non-ingérence dans les affaires internes d’un État tiers», relève l’analyste au micro de Sputnik.
En 2019, le Cameroun comptait déjà plus de 370.000 réfugiés fuyant les crises dans les pays voisins.
La crise humanitaire
Si le pays était jusque-là un îlot de paix dans une sous-région en proie à l’instabilité sociopolitique, il fait aujourd’hui face lui aussi à de violentes crises internes parmi lesquelles le conflit séparatiste dans sa partie anglophone. Depuis quatre ans, l’armée régulière y affronte au quotidien des séparatistes qui ont pris les armes contre le pouvoir de Yaoundé pour réclamer la création d’un État indépendant. La crise a déjà fait plus de 3.000 morts, des centaines de milliers de déplacés internes et des dizaines de milliers de réfugiés camerounais en terre nigériane.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime à 1,6 million de dollars le financement nécessaire pour nourrir les plus de 30.000 réfugiés du camp de Gado-Badzere.
Une urgence vitale qui pourrait très vite, relève Hippolyte Éric Djounguep, pousser certains à se livrer à toutes sortes de trafic illégal dans leur pays d’accueil.
«Il faut éviter que le Cameroun ne devienne le théâtre de conflits déportés sur son sol, prévenir l’effet l’effet domino par la mise sur pied de politiques d’accueil qui consisteraient à démobiliser et désarmer tous les combattants une fois qu’ils se trouvent sur le sol camerounais. Il faut construire davantage de camps de réinsertion pour les réfugiés de guerre avant que ces derniers ne se volatilisent à travers le territoire sans identifiant», prévient l’analyste.
Alors qu’à l’est du pays, le nombre de réfugiés va sans cesse croissant, à l’Extrême-Nord, un programme de rapatriement volontaire des déplacés nigérians a été conclu le 10 février dernier entre le Cameroun et son grand voisin. Plus de 5.000 ressortissants, pour la plupart originaires de l’État de Borno au nord-est du pays, qui ont fui au Cameroun en raison de l’insurrection de Boko Haram, vont être rapatriés au Nigeria entre le 27 février et le 7 mars prochain. Ces volontaires au départ sont issus du camp de Minawo dans l’Extrême-Nord, qui compte à ce jour plus de 80.000 ressortissants nigérians.
D'après le HCR, le Cameroun compte à ce jour plus de 1,9 million de personnes en situation de déplacés internes, réfugiés, retournés ou demandeurs d’asile. Parmi elles, plus de 400.000 réfugiés et près d’un million de déplacés internes dans les régions en crise du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord (données actualisées au 31 janvier dernier).