Pourquoi la situation sécuritaire s’aggrave de nouveau au Burkina Faso

Près de 90 attaques terroristes au Burkina Faso en 2020, une accalmie pendant la période électorale… et la situation s’aggrave de nouveau. Mahamadou Sawadogo, spécialiste de l’extrémisme violent et des questions sécuritaires, explique à Sputnik pourquoi le G5 Sahel ne peut pas couvrir toute la région et où se trouve le cœur de l’insécurité.
Sputnik

Depuis le début de l’année au Burkina Faso, on constate une claire reprise des attaques terroristes. Sept à huit attentats sont recensés chaque semaine alors que juste avant, durant la période électorale, la situation sécuritaire avait retrouvé un certain calme.

 «Une pression de Barkhane»

Membre permanent du G5 Sahel, le Burkina Faso, comme toute la région sahélienne, tente de retrouver une certaine stabilité sécuritaire mais trop de facteurs ralentissent ce processus. Mahamadou Sawadogo, chercheur au laboratoire Carrefour d’études et de recherches-action pour la démocratie et le développement (Ceradd), un ex-gendarme devenu spécialiste de l’extrémisme violent et des questions sécuritaires, explique à Sputnik ce qui empêche le pays d’instaurer une paix durable. 

«La situation s’est dégradée parce que premièrement, il y a une pression de Barkhane et des forces armées nationales maliennes, nigériennes et burkinabè exercées depuis janvier dans l’extrême-nord du Burkina. Pour y échapper, les GAT [groupes armés terroristes, ndlr] redescendent vers le nord et la province du Yagha en s’attaquant aux populations.»

D’après lui, les volontaires pour la défense de la patrie (VDP) –des civils qui contribuent à la lutte contre les terroristes– font partie de la stratégie de cible car «ils ne sont pas très bien équipés et bien pris en charge par l’administration».

Au Burkina Faso, la crise postélectorale semble inévitable

Deuxièmement, les élections municipales approchent et la dégradation de la situation sécuritaire pourrait être un moyen d’empêcher la tenue du scrutin, selon ce spécialiste.

«Faire tomber la barrière des frontières»

Depuis un an, le Burkina Faso a subi plus de 90 attaques terroristes et les solutions individuelles, «pays par pays», ne fonctionnent plus. L’issue pourrait se trouver dans une lutte commune des pays de la sous-région, insiste Mahamadou Sawadogo.

«Il faut mettre en place une structure qui pourra fédérer les forces armées et engager une lutte commune à l’échelle sous-régionale, voire régionale. Il faudrait aussi faire tomber la barrière des frontières entre les pays dans le cadre de ce combat contre le terrorisme.»

Le G5 ne suffira pas à couvrir toute la zone

Le Burkina Faso, le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie ont créé en 2014 le G5 Sahel, un cadre de coopération pour améliorer la sécurité et le développement sur le territoire sahélien. Avec les 4.500 soldats de l’opération Barkhane, initiée en 2014, les membres de l’organisation bénéficient de l’appui de la France qui fournit véhicules, matériel, conseil et formation aux armées des cinq pays de la zone.

Au Burkina Faso, la crise humanitaire atteint des proportions dramatiques

Mahamadou Sawadogo est persuadé que le G5 Sahel devrait être beaucoup plus actif, mais qu’il ne suffira pas à couvrir toute la région. Donc si la communauté internationale ne participe pas, la guerre va empirer.

«Étant donné que le G5 est limité à cinq pays, il faut tenir compte des États côtiers et prendre en considération des organisations comme Cedeao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, ndlr] qui couvre tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Il faut une solution régionale et sous-régionale. Le G5 pourrait alors représenter une arme déjà opérationnelle pour atteindre les objectifs et stabiliser la situation des populations soumises au terrorisme.»
Discuter