Amsterdam, Rotterdam, Eindhoven. Les plus grandes villes des Pays-Bas s’embrasent depuis l’annonce, le 23 janvier, de l’instauration d’un couvre-feu à 21 heures pour limiter la propagation du Covid-19 et de ses variants.
Une grogne d’origine rurale
Tout a commencé dans un petit port de pêche qui fait partie de la «ceinture de la Bible» néerlandaise, cette diagonale qui coupe le pays, peuplée de protestants conservateurs, éloignée des centres villes mondialisés. Là-bas, dès le samedi d’instauration des mesures, les «révoltés du Covid» ont mis le feu à un centre de dépistage. La colère s’est ensuite diffusée dans tout le pays.
Une telle explosion sociale ne sort pas de nulle part. Ces violences sont à l’intersection de différents griefs exprimés depuis longtemps par différentes catégories sociologiques, nous explique Diederik Boomsma, Le parallèle avec le mouvement des Gilets jaunes en France ne fait d’ailleurs pour lui aucun doute.
«L’un des premiers organisateurs de ces manifestations à Amsterdam était un entrepreneur d’une petite entreprise qui a fait faillite justement à cause des conséquences économiques du coronavirus et des mesures qui ont été prises pour limiter sa transmission», explique le président du CDA d’Amsterdam.
D’après Diederik Boomsma, ce groupe constitue le cœur des manifestations de ces derniers jours. De tradition anglo-saxonne, les Néerlandais éprouvent un attachement particulier pour les libertés individuelles. Cela peut expliquer en partie pourquoi il est pour eux difficilement concevable que le gouvernement leur dicte leur manière de vivre.
Ce mécontentement s’est greffé sans peine sur des problèmes socio-économiques de fond qui dépassent largement le cadre de la lutte contre la pandémie.
«Les mesures restrictives ont été les catalyseurs d’un courant plus large de mécontentement. Ces manifestations sont aussi un cri d’alerte des classes moyennes qui vivent une forme de déclassement et une pression économique insoutenable. Ce à quoi il faut ajouter un sentiment de crainte vis-à-vis d’une immigration que beaucoup jugent néfaste», explique Diederik Boomsma.
«La Hollande n’a pas la même tradition révolutionnaire et contestataire que la France. Toutefois, il y a une méfiance grandissante envers le gouvernement, les institutions gouvernementales et les soi-disant “élites”», ajoute-t-il.
«Il y a une distinction à établir entre les manifestants qui militaient calmement contre les mesures restrictives liées au coronavirus et des gens qui étaient réellement là pour en découdre avec les autorités. Cette seconde catégorie se caractérise par la présence d’individus faisant partie de groupes radicaux d’extrême droite. Certains ont fait état de saluts nazis durant des manifestations», rapporte Diederik Boomsma.
«De nombreux manifestants étaient des conspirationnistes du type QAnon qui véhiculent des théories farfelues», ajoute-t-il.
À cela convient-il d’ajouter une frange de la population qui a activement participé au désordre: la jeunesse issue de l’immigration, explique Diederik Boomsma.
«Un groupe qui sévit en marge des émeutes se compose en grande partie d’une jeunesse issue de l’immigration maghrébine qui est marginalisée et cantonnée à des quartiers pauvres.»
Ces bandes de jeunes issus de l’immigration ont participé aux violences, mais sans y greffer de revendications politiques. Eux étaient simplement là pour piller et tenter de repartir avec un nouveau téléphone ou un casque de moto, rapporte notre interlocuteur.
Selon lui, les violences et les manifestations sont «parties pour durer», tant les motifs de mécontentement sont nombreux, touchant d’innombrables catégories de la population néerlandaise.