«Depuis le Ségur, les gens ne font que partir»: les soignants à bout à la veille d’une troisième vague –vidéo

Alors que des scientifiques et des membres du gouvernement craignent une troisième vague, les soignants tirent la sonnette d’alarme. Entre le manque de personnel, de lits et de considération, ils sont au bord de la rupture. Ce jeudi 21 janvier, une centaine de manifestants se sont rassemblés devant le ministère de la Santé. Sputnik était sur place.
Sputnik
«Il n’y a pas de considération, donc il y a un ras-le-bol des soignants. Macron nous promet monts et merveilles, avec l’arrêt des restructurations, les réouvertures de lits, avec du matériel, avec du personnel, mais il n’y a rien.»

Dominique, aide-soignant dans une maison d’accueil spécialisée (MAS) à Beaumont-sur-Oise (95), ne peut contenir son exaspération face aux promesses du gouvernement qu’il estime non tenues.

​Autant de revendications qui ont mobilisé une centaine de manifestants qui se sont rassemblés devant le ministère de la Santé, ce jeudi 21 janvier.

Depuis 20 ans, des lits supprimés et ça continue malgré le Covid

Alors que les derniers chiffres des contaminations peuvent faire craindre le pire –la barre des 26.500 infections quotidiennes n’avaient plus été franchie depuis le 18 novembre– le Dr Braun, président de Samu-urgences de France, a averti sur la possibilité d’une «troisième vague fatale». Les hôpitaux pourront-ils affronter cette éventualité? Rien n’est moins sûr.

«Là, c’est en flux tendu, plus que tendu à l’hôpital. On recule des admissions de patients pour des chimiothérapies, par exemple, parce que l’on n’a pas de lits, donc si on a une autre vague de Covid […] Si en plus on n’a pas plus de personnel, vu le nombre qui part depuis le Ségur: avant ils partaient, mais là ils partent en bus. C’est incroyable», affirme Sylvie, infirmière de nuit à l’hôpital Saint-Louis AP-HP (Xe arrondissement de Paris).

Un état des lieux qui fait dire au syndicat Inter-urgence que la priorité doit notamment être donnée à la réouverture de lits. Au mercredi 20 janvier, 56,2% des lits de réanimation étaient occupés en France.

​En effet, selon les calculs du géographe de la santé Emmanuel Vigneron, cités par Le Monde, entre 1993 et 2018, près de 100.000 lits ont été fermés, dont 83.000 en médecine, chirurgie et obstétrique, soit, pour cette seule catégorie, une baisse de 29% en vingt-cinq ans. En 2019 par exemple, 3.400 lits ont été supprimés. Un mouvement qu’a à peine enrayé la pandémie: les plans de suppressions de lits sont toujours en cours.

Des critiques récurrentes qu’avaient tenté de balayer d’un revers de main Jean Castex en octobre: «J’entends dire que la bonne réponse aurait été de créer des lits en réanimation. C’est doublement faux.»

«Aucun système ne serait capable de faire face aux conséquences de cette épidémie si nous ne faisions rien en amont. Pour créer des lits, il faut former des médecins et des soignants spécialisés. C’est impossible en quelques mois, il faut des années», a expliqué le Premier ministre.

Au-delà des lits, c’est la question du salaire des infirmiers qui cristallisent les tensions. Dominique concède que le seul point «positif» de ces derniers mois est la revalorisation salariale de 183 euros obtenue à la sortie du «Ségur de la santé».

​Néanmoins, cette augmentation, au grand dam de Marylise, cadre de Santé, dans un MAS de Savoie, ne concerne que les soignants travaillant dans les hôpitaux publics et non les personnels évoluant dans le milieu médico-social. «On a été exclus, car on est en milieu handicap», fustige-t-elle au micro de Sputnik.

Augmenter les salaires pour freiner les vagues de départ

Pour autant, cette augmentation salariale est loin de satisfaire le personnel de l’hôpital public.

«On revendique toujours nos 300 euros supplémentaires pour être un peu mieux classé au niveau de l’OCDE, car depuis le Ségur, les gens ne font que partir. Dans mon service de nuit, six de mes collèges vont partir», tonne Sylvie.

En effet, selon les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les infirmières et infirmiers hospitaliers français arrivaient à la 22e place sur 33 de son classement international des salaires en 2017. En comparaison avec l’Allemagne et l’Espagne, les infirmiers de ces deux pays touchaient respectivement 13% et 29% de plus que le salaire moyen national français de la profession.

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Pour Sylvie, une hausse des salaires est donc primordiale pour attirer les nouvelles recrues et retenir les personnels en poste. Sans compter la lassitude qui accable les équipes. Et pour cause, selon une enquête de l’Ordre national des infirmiers, réalisée en octobre dernier, 37% des infirmiers estiment que «la crise que nous traversons leur a donné l’envie de changer de métier» et 43% «ne savent pas s’ils seront toujours infirmiers dans 5 ans.»

«On est plutôt inquiets, on ne comprend pas ce que fait le ministère de la Santé pour mettre en place plus d’actions, de recrutements, plus de lits. Il y a plein de choses à faire en fait, et on a l’impression de ne pas avancer», conclut Corinne, aide-soignante aux urgences de l’hôpital Saint-Louis, membre du collectif inter-urgences.
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