L’hypothèse d’une destitution de Donald Trump, à J–7 de la fin de son mandat, prend de plus en plus d’épaisseur à Washington. Mardi 12 janvier, cinq élus républicains se sont déclarés favorables à un impeachment du Président américain, donnant un peu plus de crédit à ce scénario étonnant.
Sans surprise, la Chambre des représentants, à majorité démocrate, a décidé ce mercredi 13 janvier de valider la mise en accusation de Donald Trump, conformément à la résolution portée par la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi. Il faudra néanmoins que douze sénateurs républicains supplémentaires (dix-sept en tout) basculent du côté démocrate pour que le Président américain puisse effectivement être destitué si le procès devait avoir lieu. Le vote du Sénat et non celui de la Chambre sera donc crucial.
Il faudrait alors que douze sénateurs républicains supplémentaires (en plus des cinq qui se sont déjà déclarés) basculent du côté démocrate pour que le Président américain puisse effectivement être destitué. Le vote du Sénat sera donc crucial.
«Cette procédure va se poursuivre après la fin du mandat de Donald Trump: Mitch McConnell [le chef de la majorité républicaine au Sénat, ndlr] a dit qu’il ne convoquerait pas le Sénat avant le 19 janvier», confirme Jean-Eric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’université Paris II Assas.
Un possible blocage du Sénat
Il y a donc toutes les chances pour que le procès intenté à Donald Trump «parasite» une partie du mandat de Joe Biden. Un scénario que voulait à tout prix éviter le Président élu, défavorable à cette procédure d’après les informations de CNN.
Si le Sénat se saisissait immédiatement de la procédure de destitution, les premières manœuvres de l’Administration Biden se trouveraient bloquées. La nomination des membres du gouvernement, censée être validée par les sénateurs, pourrait être repoussée. «Joe Biden aura besoin d’un gouvernement opérationnel le plus vite possible. Ce n’est pas dans son intérêt de pousser pour que l’impeachment passe avant ces nouvelles priorités», avance ainsi Jean-Éric Branaa.
Fin de carrière politique pour Trump?
L’issue de cette procédure de destitution pourrait en revanche avoir un impact décisif sur la suite de la carrière politique de Donald Trump. La grande question consiste à savoir si l’ancien magnat de l’immobilier pourrait être interdit de mandat politique si les sénateurs approuvaient la mesure d’impeachment.
«C’est le Sénat qui décidera. Cela n’a rien d’automatique, répond Jean-Éric Branaa. Les trois quarts du temps, une destitution n’empêche pas de se représenter. Le Sénat peut toutefois ajouter une inéligibilité à vie, c’est tout à fait possible. Dans le cas de Donald Trump, cela se fera sûrement», avance notre interlocuteur.
La portée de la procédure de destitution pourrait ainsi largement dépasser la seule personnalité de Donald Trump. Les événements tragiques du Capitole le 6 janvier dernier, qui ont fait cinq morts et laissé une image déplorable de la démocratie américaine, pourraient pousser les sénateurs à envoyer un message fort afin de dissuader d’éventuels factieux de reproduire de tels actes à l’avenir. C’est en tout cas ce que veut croire le chercheur au centre Thucydide, auteur de La Constitution américaine et les institutions (éd. Ellipses).
«L’enjeu, c’est le renforcement des institutions américaines pour préparer l’avenir. Cette procédure de destitution a une portée avant tout symbolique pour les États-Unis», estime-t-il.
Privé de son outil de communication privilégié depuis la suspension de son compte Twitter le 8 janvier dernier, Donald Trump a néanmoins réagi à cette menace de destitution ce mardi 12 janvier. Le Président américain a qualifié la procédure de «totalement ridicule». Il a annoncé qu’elle provoquerait «une immense colère» parmi ses partisans si elle était menée à son terme.
«Menace imminente» pour la démocratie américaine?
Accusé d’avoir «incité à la violence» lors de l’envahissement du Capitole et d’être une «menace imminente» pour la démocratie américaine, Donald Trump se trouve donc dans une position très inconfortable pour la seconde fois de son mandat.
En décembre 2019, le locataire de la Maison-Blanche avait déjà été sous le coup d’une procédure de destitution en raison de supposées pressions sur l’exécutif ukrainien afin de mener une enquête sur le fils de Joe Biden, Hunter Biden, ce dernier étant lui-même suspecté d’activités commerciales illégales en Ukraine. Si Donald Trump avait été finalement acquitté par le Sénat en février 2020, cette procédure pourrait connaître une issue plus incertaine, si l’on en croit Jean-Éric Branaa.
«Il y a une preuve irréfutable avec l’appel à Brad Raffensperger [responsable de l’organisation des élections en Géorgie, contacté par Donald Trump le 2 janvier dernier afin de lui réclamer les 11.780 voix manquantes à sa victoire dans l’Etat, ndlr]. Nous pourrons avoir le témoignage de ce dernier au Congrès», décrypte Jean-Éric Branaa au micro de Sputnik.
Certains Républicains se disent prêts à voter la destitution
Donald Trump se retrouve de plus en plus esseulé. Y compris au sein de son propre camp.
Selon le site américain Vox, il n’est d’ailleurs pas totalement exclu que cette procédure de destitution soit une manœuvre politique déguisée afin de se débarrasser de la tutelle encombrante du Président sortant au sein du parti de l’éléphant, en «l’empêchant d’occuper une fonction fédérale à l’avenir».
Le numéro trois des Républicains à la Chambre, Liz Cheney, a à son tour annoncé qu’elle voterait en faveur de l’impeachment. «Le président des États-Unis a assemblé cette meute et allumé la flamme de cette attaque. Il n’y a jamais eu de trahison plus grave par un Président de son serment à la Constitution», a ainsi écrit la fille de l’ancien vice-président de George W. Bush, Dick Cheney.