Au Niger, l’année 2021 commence sous de sombres auspices. Le samedi 2 janvier, une attaque terroriste a été perpétrée dans deux villages de l’ouest du pays, dans la région de Tillabery. Le bilan est d’au moins cent morts. Les djihadistes sont arrivés à bord d’une centaine de motos, selon les témoins cités par les médias, pour commettre leur forfait simultanément dans ces deux localités, séparées de seulement quelques kilomètres. Le ministre de l’Intérieur a annoncé le 4 janvier un deuil national de trois jours.
Un conseil de sécurité s’est aussitôt réuni et des mesures ont été prises pour renforcer la présence militaire dans la zone.
Sur son compte Twitter, le Président Mahamadou Issoufou a présenté ses condoléances aux familles endeuillées.
L’attaque est intervenue le jour de la publication des résultats du premier tour du scrutin présidentiel par la commission électorale. Un deuxième tour est annoncé en février pour départager Mohamed Bazoum, arrivé en tête avec 39,33% des voix, et l’ancien Président Mahamane Ousmane, qui n’a obtenu que 17%.
«Cette offensive va clairement donner une autre dimension à la question de l’insécurité et orienter le ton de la campagne du deuxième tour à venir», assure-t-elle.
Bien que «non surprenant», en théorie, du fait d’une présence déjà connue de groupes terroristes dans cette zone de l’ouest du Niger, l’attentat est néanmoins inédit puisque ce sont des civils qui en ont été les victimes, assure la spécialiste.
En effet, par le passé, c’était surtout les positions des forces armées qui étaient visées. C’était le cas, notamment, de l’attaque du camp militaire d’Inates du 10 décembre 2019 qui avait alors fait 71 morts et une douzaine de blessés, tous des soldats. Cette opération de grande ampleur dans l’ouest du pays avait conduit le gouvernement à décréter trois jours de deuil.
«L’offensive du 2 janvier a montré qu’il y avait eu une évolution dans le mode opératoire. Ce qui est un nouveau défi pour les autorités nigériennes», poursuit Ornella Moderan.
Cette attaque devrait donc redéfinir l’action du Président à venir.
Les défis sécuritaires du prochain exécutif
Que ce soit Mohamed Bazoun, candidat du parti au pouvoir, ou l'ancien chef d’État Mahamane Ousmane, le prochain dirigeant du Niger devra donc inévitablement faire face à une situation sécuritaire encore plus délétère, rappelle l’experte de l’ISS.
Diamétralement opposés géographiquement, les deux foyers de tension sont distants de pas moins de 1.600 km. À l’ouest, dans la zone de Tillabéry, frontalière avec le Mali et le Burkina Faso, s’activent notamment les terroristes de la katiba Ansarul Islam, fondée par le Bukinabè Malam Dicko. Au sud-est, dans la région de Diffa, située dans le versant du lac Tchad et limitrophe du Nigeria, sévit Boko Haram.
Les forces de défense chargées d’assurer la sécurité des populations dans ces zones sont limitées en nombre, écartelées et même débordées par les missions dont elles doivent s’acquitter, explique encore Ornella Moderan.
Adopter une nouvelle approche
Ajouté à cela, il existe de nouvelles poches de conflits qui émergent, depuis 2019, dans toute la zone frontalière du Niger avec le Nigeria (sud) dont on ne sait pas si elles doivent être attribuées à des terroristes ou à des bandes criminelles, précise-t-elle.
«Le gouvernement actuel a déjà annoncé le doublement de l’effectif des militaires d’ici à cinq ans, pour passer de 25.000 à 50.000 soldats. Le prochain exécutif va devoir faire face aux nouveaux défis si c’est faisable en matière de coût, de matériel et d’encadrement, ou changer carrément de stratégie», a déclaré Ornella Moderan.
Jusqu’ici, le Président Mouhamadou Issoufou avait privilégié une approche sécuritaire face aux djihadistes.
«Le Niger devra continuer à collaborer avec les États voisins pour essayer de stabiliser les choses dans ces pays. Parce que tant que le Mali, le Burkina et le Nigeria n’iront pas bien, le Niger n’ira pas bien non plus», conclut-elle.