Ces dernières semaines, les agressions sur des surveillants pénitentiaires se sont multipliées. Le 11 décembre 2020, une surveillante d’une prison de l’Oise a été attaquée devant son domicile en rentrant du travail. Pour le parquet d’Amiens, cet acte est «probablement en lien avec sa fonction». À Pau, le même jour, selon les informations de France Bleu, un détenu a étranglé un surveillant après avoir été placé en quartier disciplinaire à la suite d’un «déperchage» (la réception d’objet lancés de l’extérieur de la prison). Enfin, le 27 décembre, plusieurs jeunes au volant d’une voiture ont foncé sur des fonctionnaires de la maison d’arrêt de Nantes, «pour tenter de les renverser», a affirmé le syndicat FO dans un communiqué. Ces violences inquiètent la profession. On voit revenir au centre des préoccupations la «sécurité périmétrique des domaines pénitentiaires», estime Wilfried Fonck, secrétaire national UFAP-UNSA.
Nécessité de protéger les personnels
Le drame de Nantes a attiré les regards. Mais il n’est que la face émergée des ennuis pénitentiaires. Même lorsque certains secteurs comme les abords de Fresnes sont censés être fermés, «cela n’empêche pas des personnes extérieures de s’y rendre pour dégrader des véhicules ou y mettre feu, menacer des agents, ou encore, les insulter», rapporte le syndicaliste.
«Ce n’est pas nouveau, l’administration est particulièrement au courant de cette difficulté.»
«Elles ne vont pas se limiter à des missions de sécurisation des domaines pénitentiaires [secteurs regroupant les logements du personnel, ndlr], elles vont aussi assurer les extractions judiciaires par exemple», regrette Wilfried Fonck.
Si le besoin de protéger les personnels à l’extérieur des prisons se fait pressant, à l’intérieur, la situation est tout aussi préoccupante. Selon les chiffres de l’administration pénitentiaire, entre 2011 et 2018, les personnels ont subi environ 4.000 agressions par an et on déplore 8.000 agressions entre détenus sur la même période.
Des détenus réfractaires à l’autorité
Des chiffres stables, mais Wilfried Fonck dresse un constat alarmant: «Depuis quatre ou cinq ans, on observe que la population pénale est beaucoup plus vindicative, réfractaire à l’autorité et intolérante à la frustration.» Des comportements qui se traduisent notamment par la «difficulté de faire appliquer la réglementation pénitentiaire et les règlements intérieurs spécifiques à chaque établissement».
«En règle générale, les individus qui posent problème sont toujours les mêmes. Fort heureusement, ce n’est pas l’immense majorité de la population pénale. […] Mais effectivement, il y a un noyau dur», analyse-t-il.
Un constat qui fait d’ailleurs dire au syndicaliste qu’il est dorénavant urgent que l’administration pénitentiaire mette en place un «profilage de la population pénale». Puis que chaque établissement se «spécialise», afin d’adapter le niveau de sécurité au «profil pénal et carcéral» des détenus.
«Aujourd’hui, on mélange des profils divers et variés au sein des mêmes structures», se désole Wilfried Fonck.
D’autant plus qu’un autre point alerte le membre de l’UFAP-UNSA: les violences commises dans les établissements pour mineurs et les quartiers qui leur sont dédiés. Selon le syndicaliste, «il y a une augmentation de la violence entre les détenus et contre les personnels. De nombreux incidents nous sont remontés alors que, habituellement, il n’y en a pas autant.»
Du laxisme pour acheter la paix sociale?
Wilfried Fonck fustige une «fuite en avant où, pour acheter la paix sociale, on accorde quelques passe-droits ou on laisse passer certaines choses que l’on ne devrait pas».
«Cela ne contribue en rien à la mission de réinsertion qui est confiée à l’administration pénitentiaire. On anticipe la sécurité de demain avec la réinsertion. Quand les détenus sont confrontés pour la première fois à l’autorité, ça leur fait bizarre.»
Le secrétaire national UFAP-UNSA estime qu’il n’y a pas de réelle volonté politique pour améliorer la situation: «C’est très inquiétant, car on ne donne pas au personnel de surveillance et de réinsertion les moyens d’assurer sa mission.»
«On est incapable d’avancer là-dessus. Il y a un blocage. Peut-être que la société n’est pas prête à engager un débat de fond sur le sens de la peine, sur le moyen de rendre le temps de l’incarcération utile. C’est le vrai sujet: jeter quelqu’un entre quatre murs, c’est bien joli, mais on en fait quoi après?» conclut Wilfried Fonck.