Les vaccins candidats n’ont pas la côte. Selon un sondage IFOP pour le Journal du dimanche (JDD), 59% des Français déclarent ne pas avoir l’intention de se «faire vacciner lorsque cela deviendra possible» contre le Covid-19. Une défiance d’une majorité de Français, déjà observée à la mi-novembre à l’occasion d’un sondage Odoxa-Dentsu Consulting, réalisé pour France Info et Le Figaro à la suite des annonces des laboratoires Pfizer et BioNTech.
Sceptique ne veut pas dire «anti-vax»
Du côté corps médical, la prudence semble pourtant de mise. «On n’a même pas les études!», s’étonnait notamment, sur LCI, le professeur Éric Caumes. Le chef du service de maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière émet alors plus que des réserves à l’égard de vaccins développés dans la précipitation. «C’est-à-dire qu’on parle de choses qui restent vues à travers des communiqués de presse de laboratoires pharmaceutiques, je ne comprends pas, je n’arrive pas à suivre…», lâche ainsi celui qui fut pourtant l’un des professionnels de santé les plus confiants face à la dangerosité du SARS-coV-2 à l’aube de la pandémie en France. Même son de cloche, du côté du docteur Louis Fouché, anesthésiste à l’hôpital de la Conception à Marseille et membre du comité Réinfo Covid, qui apparaît dans Hold-up.
«Nous n’avons pas eu accès à ces données, nous ne pouvons pas les monitorer, il n’y a pas de peer reviewing [d’évaluation par des pairs, ndlr] de résultats, ce qui est normalement le primum de la science», martèle au micro de Sputnik le docteur Fouché.
Celui-ci rappelle notamment que cet argument fut celui des pourfendeurs des traitements à base d’hydroxychloroquine prônés par le professeur Raoult au début de la crise sanitaire. Primum non nocere (en premier lieu, ne pas nuire), tranche ce médecin marseillais pour qui, malgré la situation d’urgence, la prudence doit rester le maître mot face à des préparations biologiques qui n’ont encore été évaluées par personne en dehors des laboratoires qui les ont créés.
Traitements achetés dans l’urgence: le précédent fâcheux du remdesivir
«Il ne faut pas se faire vacciner avec ces vaccins: vous n’êtes ni des cobayes ni des jouets de l’industrie pharmaceutique. […] Ce n’est pas une question d’avoir peur de tout, mais le minimum de la prudence!» tient-il à recommander aux Français.
Le docteur marseillais rappelle ainsi qu’aux yeux de la loi européenne et donc française, «les effets secondaires ne sont pas assumés financièrement par les firmes vaccinales», mais par un fonds national. En somme, la grande majorité des dédommagements qu’occasionnerait tout impair des laboratoires dans le développement de ces vaccins prototypes seront à la charge du contribuable.
L’anesthésiste s’interroge ainsi sur les potentielles interactions, notamment avec d’anciens vaccins, que pourraient avoir ces nouveaux vaccins peu éprouvés. Ce phénomène d’«interférence virale» a notamment été illustré dans l’étude d’un chercheur du Département américain de la Défense, publiée début 2020 sur Vaccine.
Vaccins, des interactions mal connues
Celle-ci ne portait pas sur le SARS-CoV-2, mais cherchait à déterminer si les membres de l’armée vaccinés contre la grippe étaient plus susceptibles d’attraper d’autres infections respiratoires, en l’occurrence les quatre coronavirus saisonniers (229E, OC43, NL63 et HKU1). Les résultats montrent qu’entre 2017 et 2018, parmi les échantillons analysés, 7,8% des personnes vaccinées avaient développé l’une de ces maladies respiratoires, contre 5,8% chez les non-vaccinés, soit un delta de 36%. De quoi inciter à la prudence.
C’est pourtant ce que préconise la Haute autorité de la Santé (HAS) qui, le 30 novembre, a recommandé de vacciner en priorité, «à l’arrivée des toutes premières doses», les 750.000 résidants des Ehpad. «Ce sont les mêmes personnes du ministère de la Santé qui ont recommandé le Rivotril dans les Ehpad», tacle le docteur Fouché, en référence à l’élargissement sur décret gouvernemental de l’usage de ce puissant anxiolytique (clonazépam) normalement destiné aux soins palliatifs. Ce «passeport pour la mort douce» comme s’en étaient émus des députés en mars, se retrouvait ainsi administré de manière arbitraire à des personnes âgées n’ayant aucune chance d’être admises en réanimation et présentant des symptômes du Covid-19.
Un vaccin pour la bonne souche?
Dans une interview à France Télévisions, Cecil Czerkinsky, directeur de recherche à l’INSERM IMPC-CNRS précisait d’ailleurs que si les tests de Pfizer et de Moderna avaient été conduits sur une population d’environ 70.000 personnes, celle-ci était constituée d’«adultes jeunes et en bonne santé».
Au-delà des éventuelles complications qui pourraient survenir, le docteur Fouché rappelle les nombreuses mutations qu’a subies le SRAS-Covid-2 depuis son arrivée dans l’Hexagone. «On en est déjà au sixième variant à Marseille, depuis sept mois», souligne l’anesthésiste, qui s’interroge sur la pertinence de la vaccination même à l’encontre d’un virus tel que le Covid-19, lui préférant des approches «moins invasives» et plus ciblées. Celui-ci regrette à cet égard que médecins de ville et infirmiers à domicile aient été tenus à l’écart dans le traitement des patients Covid+, sans parler des cliniques privées peu sollicitées. Pour l’anesthésiste, une prise en charge globale des malades en amont des services de réanimation aurait pu permettre de prévenir leur engorgement.
«Il faut laisser les médecins prescrire! Toutes les preuves s’accumulent que l’hydroxychloroquine est utile, que le zitromax [Azithromycine, ndlr] est utile, que le zinc est utile, que la vitamine D est utile, que la vitamine C est utile», martèle le médecin marseillais qui évoque également les pistes «très prometteuses» de l’ivermectine et du bleu de méthylène, avant d’assener: «il y a plein d’armes thérapeutiques, qu’a fait le gouvernement? Il a interdit de les utiliser, c’est un scandale!»
Ainsi, le docteur Fouché déplore autant la politique d’«apprentis sorciers» des autorités vis-à-vis de ces vaccins basés sur l’ARN messager que le «dogmatisme» des partisans de la vaccination en France, qui taxent d’«anti-vax» tous ceux qui émettent des doutes à l’encontre de ces nouveaux vaccins.
Le 25 novembre, dans un reportage diffusé par TF1, les réponses unanimes d’Allemands interrogés étaient éloquentes. Leur mot d’ordre: la confiance, et pas uniquement dans le vaccin en lui-même: «je recommande le vaccin, en particulier parce que je fais confiance aux méthodes allemandes», répondait notamment un Berlinois.
À l’inverse en France, le crédit de la parole publique est pour le moins érodé depuis le début de l’épidémie, entre les pénuries de masques, de tests ou de gel hydroalcoolique et le lot de polémiques et de couacs gouvernementaux qui ont émaillé cette crise depuis dix mois. Aussi, au-delà de l’influence des «anti-vax» ou de l’appétence que pourraient avoir certains pour les théories «complotistes», la méfiance des Français vis-à-vis des vaccins pourrait tout simplement être le reflet de celle qu’ils éprouvent à l’égard de leurs responsables politiques et sanitaires.