Le ministre de l’Intérieur est tenu responsable des dérives qui ont entaché la réputation de la Police.
Accusé d’avoir voulu durcir la Loi sécurité globale et d’avoir couvert et minimisé des violences policières, Gérald Darmanin a été entendu lundi 30 novembre à l’Assemblée nationale afin de faire la lumière sur les violences qui ont marqué la semaine. Mais à l’issue de cette audition, le ministre est encore jugé trop complaisant envers ses hommes par la gauche de la gauche.
Bien qu’il ait évoqué des «actes inqualifiables» et listé les sept péchés capitaux qui rongent l’institution, ses détracteurs continuent de réclamer sa démission. C’est le cas du journaliste Edwy Plenel. Le patron de Mediapart accuse le ministre d’incarner «l’extrême droite», de minimiser et même de couvrir des violences policières.
Gérald Darmanin reste pourtant dans le rôle qui lui a été attribué, à en croire le politologue Christophe Boutin:
«Il a été choisi pour incarner cette autorité régalienne après le passage de Christophe Castaner, qui ne s’est pas fait remarquer pour la cohérence de ses choix. C’est un choix dicté pour affirmer un réel impact sécuritaire», estime dans un entretien à Sputnik ce spécialiste des comportements électoraux.
Un virage à droite que le sommet de l’exécutif appelait donc de ses vœux, mais qui souffre quelques «hics», notamment «les dérives policières qui ont mis à mal le projet sécuritaire, qui explose en plein vol.» La question est alors de savoir «qui va payer les pots cassés», se demande Christophe Boutin. Et donc si Darmanin sera «sacrifié sur l’autel de l’article 24 ou simplement écarté temporairement, car Macron a encore besoin de quelqu’un qui fasse le job et puisse prendre des coups.»
«Un jeu de rôle» électoraliste?
L’échec de la Loi sécurité globale –qui, fait rare, sera réécrite par l’exécutif alors qu’elle a été adoptée à une vaste majorité à l’Assemblée nationale– est assurément un coup dur pour le premier flic de France. Le voici qui porte de facto la responsabilité de la contestation.
Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il déclenche l’ire de l’opposition et de certains militants. Ainsi, personne n’a oublié les mots malheureux qui avaient échappé au ministre en juillet dernier, au cœur de l’affaire George Floyd et après celle de Cédric Chouviat, tous deux morts asphyxiés lors d’une interpellation. «Quand j’entends le mot violences policières, personnellement, je m’étouffe», avait déclaré l’ancien protégé de Nicolas Sarkozy, avant de s’engager quelques semaines plus tard dans un duel avec le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, sur l’utilisation du mot «ensauvagement».
Joint par Sputnik, un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy nuance pourtant:
«Je ne pense pas que ce soit le même style; il y a évidemment quelques analogies dans le parcours, mais dans les faits, c’est très différent. Sarkozy avait un vrai lien affectif et charnel avec la police, il était très proche d’eux. Darmanin est plus technocrate, administratif et distant. Il défend également la Police, ça fait partie de la posture, mais il n’y a pas la même osmose.»
Entre autres, dans les rangs des forces de l’ordre et des syndicats de la police, on souffle que Gérald Darmanin ne connaît pas si bien ses dossiers. Surtout, sa mauvaise interprétation de l’article 24 de la Loi sécurité globale aurait sabordé cette proposition à laquelle les agents tenaient tant. «La loi prévoit l’interdiction de la diffusion de ces images», avait déclaré le ministre début novembre, mettant le feu aux poudres. Les rédacteurs du texte n’envisageaient quant à eux que de protéger les policiers de la «diffusion malveillante» d’images de leurs visages, principalement sur les réseaux sociaux.
L’atout «droite» de Macron sur la touche
Alors, Gérald Darmanin est-il à la hauteur? Pour notre source, qui souhaite garder l’anonymat, le virage à droite assumé par le ministère de l’Intérieur ne serait qu’«un jeu de rôle» électoral:
«Ce n’est pas quelqu’un de charismatique qui entraîne les autres. Son rôle est de séduire une partie de la droite, c’est ce que le Président lui demande et il le concède lui-même: il n’est pas là pour engager de grandes réformes, mais pour faire gagner en 2022», affirme l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy.
Citant Gustave Thibon lors de son audition à l’Assemblée nationale pour justifier la tempête qu’il traverse («vouloir être dans le vent est une ambition de feuille morte»), Gérald Darmanin veut quant à lui croire qu’il tiendra bon.