Au Togo, les conflits liés à la transhumance –la traversée annuelle des troupeaux en Afrique de l’Ouest pour leur permettre de se nourrir et se ressourcer– ont engendré en 2020 une douzaine de morts, selon le gouvernement.
Ce bilan a été donné à l’issue d’un atelier qui s’est déroulé du 19 au 21 novembre à Kara (nord) et coprésidé par le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le général Yark Damehame, et le ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et du Développement rural, Antoine Lekpa Gbegbeni.
«Ces 12 décès que nous avons malheureusement recensés sont liés aux affrontements entre les agriculteurs et les éleveurs peuls [groupe ethnique, la plus importante communauté d’éleveurs en Afrique de l’Ouest, ndlr]», a détaillé le général Yark Damehame, joint au téléphone par Sputnik.
Le ministre précise en outre que les conflits occasionnés ont fait 14 blessés et plus de 1.600 réfugiés, sans compter 130 champs dévastés.
Le ministre n’avait alors relevé aucun cas de décès, il avait au contraire vanté «la mise en œuvre d’un plan opérationnel de gestion de la transhumance» et les efforts fournis par le Togo pour «baliser la majorité des couloirs de transhumance, aménager des zones d’accueil et de transit par la réalisation de points d’eau, de forage et le surcreusement des mares».
Les causes d’un conflit meurtrier
Mais en fin de compte, le tableau s’est révélé moins rose. Non-respect des points d’entrée des animaux, complicité d’éleveurs sédentaires, déplacement des transhumants hors des couloirs prédéfinis, pâturage nocturne, départ tardif des transhumants… Voilà, entre autres, les causes des conflits meurtriers qui ont marqué la transhumance 2020, selon les conclusions des deux ministres à la réunion de Kara.
«Quand les animaux vont dévaster les cultures d’un paysan, qui voit ainsi disparaître tout son champ, cela laisse place à des scènes de mécontentement qui dégénèrent. Inversement, il arrive que les Peuls, parfois même sans bovins, agressent des agriculteurs à coups de machette. La réaction des populations va également être violente», poursuit le ministre au micro de Sputnik.
Le ministre de la Sécurité et de la Protection civile a indiqué que ces conflits étaient liés au fait que «le couloir dessiné par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cedeao] pour la traversée du bétail se trouve occupé de nos jours par des maisons et des champs». Une réalité, qui reconnaît-il, rend difficile le contrôle de la transhumance.
Éviter ces morts à l’avenir
À la présentation de ce bilan, les représentants du gouvernement togolais ont invité tous les acteurs de la chaîne de la transhumance à «se sentir interpellés» par ces 12 décès et à respecter le Plan opérationnel de gestion de la transhumance adopté début janvier 2020 par le Togo pour une gestion apaisée des conflits. Ce plan, qui met l’accent sur la coexistence pacifique entre les différentes communautés, n’a pas été entièrement respecté, estime le ministre de la Sécurité. «Parce que quelque part, il y a eu des dysfonctionnements et cela a débouché sur les violences et a engendré des morts», reconnaît-il auprès de Sputnik.
En Afrique de l’Ouest, les affrontements entre agriculteurs et éleveurs sont une véritable menace pour la paix et la sécurité.
«Ces dernières années, les conflits impliquant des éleveurs ont augmenté dans certaines régions de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, causant des milliers de morts», affirme une étude du bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, publiée en août 2018.
Moyen ancestral pour éviter l’épuisement de la végétation, la transhumance permet aux éleveurs de traverser un couloir autorisé de pays en pays pour se nourrir et se ressourcer en eau. En Afrique de l’Ouest, des États comme le Togo sont des terres d’accueil des troupeaux, alors que les pays sahéliens, comme le Burkina ou le Niger, sont des territoires de départ.
En pratique, le pays d’accueil définit la période à laquelle il est disposé à recevoir les éleveurs transhumants en fixant une date d’ouverture et une date de clôture, qu’il communique aux pays de départs. Pour le Togo, la transhumance se déroule chaque année du 1er janvier au 31 mai.