L’OIM annonce 140 migrants noyés au large du Sénégal, Dakar dans l’embarras

L’explosion d’une pirogue en partance pour l’Espagne le 24 octobre a provoqué le décès de 140 jeunes migrants. Ce bilan de l’OIM contredit le chiffre minimal «de plus d’une dizaine de morts» annoncé dans un tweet par le Président sénégalais Macky Sall et contribue à contrarier davantage l’opinion.
Sputnik

La discrétion des autorités sénégalaises sur l’explosion du moteur d’une embarcation de fortune en partance pour les Îles Canaries a été troublée par une intervention de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Dans un communiqué publié ce 29 octobre, cet organe spécialisé des Nations unies a annoncé la mort de 140 personnes sur les 200 environ qui avaient pris place à bord de la pirogue. Quelques jours auparavant, le Président Macky Sall avait fait état, sur son compte Twitter, de «la perte de plus d’une dizaine de jeunes».

Autre contradiction: les investigations faites par l’OIM indiquent que le drame serait survenu le 24 octobre au large de Saint-Louis non loin de la Mauritanie, alors que le communiqué publié par la Direction de l’information et des relations publiques de l’armée (Dirpa) avait fixé le lieu du drame à Mbour, à 75 km de Dakar en date du 23 octobre.

Selon l’OIM, cet accident est «le plus meurtrier» du genre survenu au cours de l’année 2020. À ce titre, la presse internationale, francophone et anglophone, s’en est fait l’écho dans la journée du 29 octobre. Cependant, durant cette dernière semaine d’octobre, plusieurs dizaines d’autres jeunes Sénégalais ont péri dans le naufrage de leurs embarcations en divers endroits du territoire, d’après des médias sénégalais.

Avant même les clarifications de l’OIM, l’opinion était déjà très remontée contre le pouvoir au vu des « dizaines de morts » annoncées par les journaux locaux. L’incapacité du gouvernement à enrayer un phénomène meurtrier qui perdure en dépit des investissements et des politiques d’emploi annoncés pour retenir les candidats à l’émigration irrite beaucoup de monde.

«Les pêcheurs, les nouveaux migrants»

Pour Boubacar Sèye, président d’Horizon sans frontières (HSF), une organisation de défense, d’orientation et d’intégration de migrants active entre l’Europe et l’Afrique, ce drame était prévisible.

«L’arrivée des pêcheurs dans la filière migratoire est l’une des causes fondamentales de la recrudescence des tentatives de départ vers l’Europe. Avec les réformes qui frappent le secteur, les modifications dans les zones exclusives de pêche et la mauvaise gouvernance, les pêcheurs artisanaux n’en peuvent plus. Ils sont comme écrasés par la puissance d’une pêche industrielle qui ne semble plus avoir de limites territoriales», s’insurge le président de HSF interrogé par Sputnik.

Mbour et Saint-Louis sont deux des plus grandes zones de pêche au Sénégal. Elles concentrent un nombre important de pêcheurs, en plus d’autres lieux d’embarcation comme Cayar et Rufisque. La plupart des départs pour les côtes espagnoles se font depuis ces endroits-là.

«En plus de la paupérisation croissante des populations de pêcheurs, la réalité est que ceux qui veulent rester dans ce pays ne sont plus nombreux. En fait, pour dire simplement les choses, tout le monde souhaite partir. C’est un drame! Vous y ajoutez les pesanteurs sociales, le chômage endémique, la mauvaise gouvernance accumulée avec tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays, on aboutit à cette situation», clame Boubacar Sèye.

Aujourd’hui, «il faut trouver d’autres modalités de sensibilisation auprès des jeunes qui envisagent de partir par tous les moyens. En particulier, il me semble que la création d’un ministère plein en charge des migrations internationales où, à tout le moins, d’un organe rattaché à la présidence de la République, devient incontournable», propose le président de HSF.

Sénégal: Recrudescence de l’émigration clandestine, l’État sur la sellette

C’est dans ce contexte particulier engendré par la mort de ces migrants et par la détermination ouverte des jeunes à tenter l’aventure européenne, mais aussi le mécontentement de l’opinion, que le Président Macky Sall a subitement dissous le gouvernement sénégalais le 28 octobre.

Il a mis en congé également plusieurs hautes autorités dont son directeur de cabinet Mahammed Boun Abdallah Dionne, le secrétaire général de la présidence Maxime Jean Ndiaye et la présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE) Aminata Touré, ancienne Première ministre (2013-2014).

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