Sur fond de tensions diplomatiques entre la France et la Turquie, Driss Yemmou, dit «Idriss Sihamedi», président de la sulfureuse ONG BarakaCity, dissoute par le gouvernement après la mort de Samuel Paty, a demandé au Président turc, depuis son compte Twitter, l’asile politique pour lui-même et son équipe.
Indiquant qu’il faisait l’objet de menaces de mort, Idriss Sihamedi a déclaré «ne pas être en sécurité en France.» Dans la foulée, la diplomatie turque a annoncé dans une série de tweets qu’elle était prête à étudier cette demande.
Un choix de destination anodin pour le Président de l’ONG? «Évidemment pas», estime au micro de Sputnik le politologue Guillaume Bigot.
«Cela réveille d’ailleurs le fantasme de la Guerre froide, où chaque bloc récupérait les exilés de l’autre camp. Un peu comme Soljenitsyne qui était réfugié aux États-Unis. Il y a une volonté d’installer la guerre des civilisations et de la réinstaller comme des blocs et donc il y aurait le bloc musulman avec à sa tête, la Turquie», poursuit directeur général de l’IPAG Business School.
En effet, en accueillant potentiellement les membres de BarakaCity, Erdogan pourrait graver un peu plus dans le marbre le statut de calife protecteur des musulmans qu’il tente d’acquérir.
«Le Président turc cherche depuis quelques années à apparaître comme le grand défenseur de l’Islam sunnite, face notamment à l’Arabie saoudite, pays qui abrite aujourd’hui les lieux saints de l’Islam. D’ailleurs, Erdogan ne cache pas sa volonté de supplanter le royaume en ce sens», confie au micro de Sputnik Georges Malbrunot, journaliste spécialiste du Moyen-Orient et coauteur de «Qatar papers : Comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe» (Éd. Lafon, 2019).
Ce dernier souligne également la défense d’Erdogan des Frères musulmans*, qui eux-mêmes sont l’un des fers de lance de l’Islam politique dans le monde musulman et bien au-delà.
L’octroi d’asile à BarakaCity s’inscrirait d’ailleurs dans la continuité des attaques de Recep Tayyip Erdogan contre Emmanuel Macron, après le discours de ce dernier sur le séparatisme et ses positions favorables à la publication des caricatures du prophète.
Idriss Sihamedi échappera-t-il à son procès?
L’ONG BarakaCity a été dissoute le 28 octobre en Conseil des ministres, après la décapitation de Samuel Paty par un islamiste. «Nous vivons les pires heures de notre République en termes de respect des libertés publiques», a commenté auprès de l’AFP l’avocat de M. Sihamedi, Me Samim Bolaky. «Au travers de cette décision, on prend la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et on la met à la poubelle. On est dans une violation de la Constitution», a-t-il accusé.
Alors que la menace des poursuites judiciaires plane sur l’équipe d’Idriss Sihamedi, cette dernière dit le percevoir comme une forme de harcèlement judiciaire. Le président de BarakaCity est soupçonné de cyberharcèlement et d’injures envers une ex-journaliste de Charlie Hebdo et doit être jugé en janvier prochain pour ces faits. S’il est encore sur le territoire français…
*Organisation terroriste interdite en Russie