Si depuis quelque temps, le terme d’«islamo-gauchisme» revient très souvent dans le débat public, dans la lignée des récentes accusations portées par Gérald Darmanin et Jean-Michel Blanquer contre La France insoumise, la droite est-elle aussi coupable d’une certaine forme de complaisance à l’égard de l’islam radical?
Sur le plateau de LCI ce lundi 26 octobre, le philosophe Alain Finkielkraut a dénoncé une forme d’«islamo-clientélisme», lequel serait encore différent de l’«islamo-gauchisme».
«L’islamo-gauchisme est une partie d’un phénomène beaucoup plus vaste. Il y a par exemple l’islamo-clientélisme, qui affecte cette fois les partis de droite et du centre. Ce sont ces candidats à la députation ou à la mairie dans certains quartiers qui veulent à tout prix s’attirer les voix des salafistes et des Frères musulmans* –et de ceux qui sont sous leur influence– et qui honorent leur promesse une fois élus en arrosant leurs associations».
Il y aurait donc une distinction entre l’islamo-gauchisme et l’islamo-droitisme, et celle-ci serait une différence de nature. L’un procéderait ainsi avant tout de la plus naïve crédulité idéologique, une partie de la gauche étant persuadée que l’islamiste est le nouveau «damné de la terre», réinterprétant en cela l’analyse marxiste, quand la droite, plus cynique, utilise l’islamisme à des fins purement électoralistes.
Complaisance idéologique vs compromission électoraliste
C’est en tout cas ce que soutient Philippe Vardon au micro de Sputnik. Le conseiller municipal RN à Nice, qui accuse depuis un certain nombre d’années Christian Estrosi de «complaisance, voire de compromission» avec les islamistes de la ville, fait le distinguo entre les deux néologismes. «Là où l’islamo-gauchisme est teinté d’idéologie, l’islamo-droitisme est avant tout un clientélisme électoral, ce qui est peut-être encore pire.»
«On est typiquement dans ce qu’on appelle aujourd’hui la “France collabo”. Il y a une collaboration [avec l’islamisme, ndlr], consciente ou inconsciente, volontaire ou non, et non assumée la plupart du temps, d’une partie du personnel politique, y compris parmi ceux qui se prétendent les plus à droite!», dénonce Frédéric Saint Clair au micro de Sputnik.
La gauche ne conserve donc pas le monopole de la complaisance avec la mouvance islamiste. Dans une tribune au HuffPost d’avril 2012 intitulée «Sarkozy et l’UOIF: quelques vérités dérangeantes», l’essayiste Mohamed Sifaoui rappelait les liens troubles de l’ancien Président de la République avec l’association, rebaptisée «Musulmans de France» en 2017. «Il est nécessaire de préciser que l’UOIF a gagné en respectabilité et en légitimité grâce à Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, mais aussi grâce au même Nicolas Sarkozy, élu président de la République. Celui qui semble découvrir, en pleine campagne électorale, le caractère intégriste de cette organisation s’était rendu “en ami”, en avril 2003, au congrès de la même association pour faire un discours devant des femmes séparées des hommes légitimant ainsi, par une telle présence, le caractère sexiste du mouvement intégriste.»
L’association, désormais connue pour être une officine frériste en France, a pourtant été ardemment défendue par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. «Pendant cette lune de miel entre le ministre de l’Intérieur, futur chef d’État, et l’UOIF, le chantre de la “laïcité positive” s’est transformé en ardent défenseur de l’association, allant jusqu’à demander aux journalistes, sur des plateaux de télévision, de ne plus la considérer comme une organisation “extrémiste”, “islamiste” ou “intégriste”, préférant l’affubler du doux euphémisme d’association “orthodoxe” alors qu’il n’existe nulle orthodoxie en islam», ajoute ainsi Sifaoui.
La «France collabo»?
Récemment, Gérald Darmanin s’est fait épingler pour avoir participé, en 2013, à une réunion publique en présence du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) à Tourcoing. Une association proche des Frères musulmans* que le même Gérald Darmanin, devenu ministre de l’Intérieur, entend désormais dissoudre à la suite de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine.
«Cette droite-là s’est compromise quand la gauche était encore laïque et républicaine. Cette droite-là, alliée au capital, est la première responsable de l’invasion migratoire que la France a subie. Cette droite-là est défaillante au plan intellectuel, car elle refuse volontairement de changer son logiciel vis-à-vis de l’islamisme. Aujourd’hui, la droite se réveille et nous fait croire qu’elle a des solutions, alors que c’est elle, plus que la gauche, qui a nourri l’islamisme en France!», assène Frédéric Saint Clair.
Las, les «petits arrangements et les petites compromissions électoralistes à l’échelle locale» que dénonce Philippe Vardon et qui font largement les affaires des islamistes en France, risquent d’avoir encore de beaux jours devant eux: dans son édition du 28 octobre, Le Canard enchaîné consacre ainsi un article aux «élus partis à la pêche aux voix islamiques», prenant le cas du clientélisme décomplexé pratiqué à Mantes-la-Jolie, commune tenue de 1995 à 2005 par Pierre Bédier, aujourd’hui président LR du conseil départemental des Yvelines.
«Cette fine équipe a entrepris il y a quelques années d’aider la très rétrograde Confédération islamique Milli Görüs –un groupe turc ultrareligieux– à installer une mosquée au cœur du Val-Fourré […] elle s’inspire des mêmes principes que la confrérie des Frères musulmans* qui, elle, milite ouvertement pour une islamisation de la société», relate le journal satirique.
*Organisation terroriste interdite en Russie