Pauline Boyer, l’une des porte-parole de l’ANV-COP21, a été condamnée le 11 septembre 2019 pour des décrochages de portraits d’Emmanuel Macron. En compagnie d’autres militants, elle fait appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris, ce jeudi 22 octobre. Quelle que soit la décision de justice, elle ne regrette pas son geste:
«Ce n’est pas aux citoyens qui alertent sur l’urgence climatique et les manquements des élus, qui ont le pouvoir de faire changer les choses, d’être sur le banc des accusés, mais aux personnes qui ont le pouvoir et qui ne l’utilisent pas à bon escient d’être jugées», explique-t-elle à Sputnik.
Et d’ajouter que l’«on a utilisé les portraits pour faire des évènements et montrer où se trouve le dérèglement climatique et la crise sociale qu’il y a en France.»
Une autre militante abonde dans ce sens et se fait même plus tranchante: «on considère que l’on ne devrait pas être condamnés pour cette action, mais que c’est Emmanuel Macron qui devrait être en procès», s’indigne-t-elle au micro de Sputnik.
«On est dans une situation où on fait face à un péril imminent, on a un Président de la République qui a failli à son rôle de protéger la majeure partie de la population et lui n’est pas poursuivi pour cela. […] C’est un scandale.»
Selon elle, le décrochage des portraits du Président de la République «devrait être reconnu comme un acte politique légitime, qui n’a causé de dommages à personne, mais qui était nécessaire pour lancer l’alerte et pour monter l’écart abyssal entre les discours d’Emmanuel Macron et la réalité de sa politique.»
Selon l’ANV-COP21, les politiques actuellement menées par le gouvernement sont «totalement insuffisantes» pour «contenir le réchauffement à bien moins de 2 °C d’ici à 2100, et d’œuvrer en direction de +1,5 °C». Des engagements pris lors des Accords de Paris en 2015.
Une «urgence» qui justifierait les moyens?
Pour Étienne Coubard, militant écologiste interviewé par Sputnik, les décrochages sont un symbole «par le vide que l’on a laissé, du vide de la politique climatique d’Emmanuel Macron» et du gouvernement.
«Ils disent qu’ils font tout pour endiguer le dérèglement climatique, plein de mesures sont proposées, mais en réalité elles ne sont pas appliquées, ce sont simplement des effets d’annonce», déplore-t-il.
Pour ces militants, leurs actions s’inscriraient donc dans un contexte de «liberté d’expression» et auraient «leur place dans une société démocratique.» Un geste que comprend Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie à l’Université catholique de Louvain et ancien vice-président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Et pour cause, le climatologue est présent pour témoigner devant la Cour d’appel de «l’urgence d’agir» afin d’éviter «des conséquences bien plus graves que la crise de la Covid-19».
«Les premiers qui s’en rendent compte ce sont les jeunes qui savent qu’ils vont vivre dans un monde moins habitable. Je comprends donc leur inquiétude et leur nécessité de tirer le signal d’alarme encore plus fort, avec leur méthode, par rapport à ce problème», détaille le professeur de climatologie au micro de Sputnik.
«Je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de limiter la liberté d’expression, tant que les moyens pour s’exprimer sont non-violents», estime Jean-Pascal van Ypersele. Un soutien de poids qui fait espérer aux militants la possibilité d’une relaxe de la part des juges.
La condamnation plus coûteuse que le portrait
Étienne Coubard, qui a lui aussi écopé d’une amende pour décrochage de portraits, estime toutefois que lors du premier procès, ils ont été «condamnés pour l’exemple»:
«La réalité des faits, c’est que les portraits coûtent 8,70 euros, si on les achète à la boutique de l’Élysée par exemple. On a été condamnés à 500 euros d’amende ferme. On voit qu’il y a une disproportion.»
D’autant plus qu’il souligne que d’autres décrocheurs à Paris n’ont jamais été inquiétés.
Des portraits qui ont fait le tour de France
À Bourg-en-Bresse, le premier procès de «décrocheurs» avait abouti à une amende ferme de 250 euros et cinq autres avec sursis. À Nantes, le 17 septembre dernier, trois militants ont écopé de peines pécuniaires allant de 500 à 800 euros.
Dernière action en date, le 15 octobre dernier, des militants ont fait flotter des images du Président à Paris dans la Seine afin d’illustrer «sa politique écologiste et sociale» qui «part à la dérive.»