Lorsque les officiels algériens sont en colère, ils l’affichent clairement. Jean-Yves Le Drian en a fait l’expérience, ces 15 et 16 octobre, à l’occasion de sa visite à Alger. Les médias publics nationaux ont reçu l’instruction de couvrir a minima les activités du chef de la diplomatie française. La raison de cette irritation est très claire: la récente libération de plus de 200 islamistes, comprenant des terroristes, par les autorités maliennes.
«La situation est très dangereuse car ces terroristes vont se redéployer près des frontières avec l’Algérie. D’ailleurs, certains d’entre eux auraient dû être remis à la justice algérienne puisqu’ils disposent de la double nationalité algéro-malienne. Jean-Yves Le Drian a expliqué à ses interlocuteurs que Paris subissait par deux fois les conséquences de la décision de Bamako car ces djihadistes ont pour la plupart été arrêtés par les forces françaises et que ces mêmes troupes étaient toujours en première ligne sur le terrain de la lutte antiterroriste», indique à Sputnik une source gouvernementale algérienne qui a requis l’anonymat.
Lâcher du lest
Reçu par le Président Abdelmadjid Tebboune, le Premier ministre Abdelaziz Djerad et par son homologue Sabri Boukadoum, Jean-Yves Le Drian n’a cessé de réitérer ces arguments, d’après la source de Sputnik. Pas sûr qu’il ait convaincu.
Pour faire passer la pilule, Jean-Yves Le Drian avait, dès son arrivée, montré patte blanche en faisant l’éloge du projet de révision constitutionnelle qui sera soumis à référendum le 1er novembre prochain.
«Le Président Abdelmadjid Tebboune a affiché ses ambitions de réforme des institutions pour renforcer la gouvernance, l’équilibre des pouvoirs et les libertés. Il appartient aux Algériens et à eux seuls de traduire les aspirations qui se sont exprimées avec civisme et dignité en une vision politique avec des institutions aptes à la concrétiser. La France souhaite succès et prospérité à ce pays ami, dans le plein respect de sa souveraineté», a déclaré le ministre français, rapporte l’AFP.
La Libye est l’autre dossier sur lequel Jean-Yves Le Drian a dû faire quelques concessions. Écartée ces dernières semaines de la gestion de la crise dans ce pays au profit du Maroc et de l’Égypte, l’Algérie reprend sa place à la faveur du Forum du dialogue politique libyen qu’accueillera la Tunisie en novembre prochain. Hakim Boughrara, professeur en sciences de l’information et analyste politique, explique à Sputnik qu’Alger et Tunis font front commun au sujet du dossier libyen.
Le 15 octobre, à partir d’Alger, le ministre français des Affaires étrangères a fait part de la volonté de Paris d’encourager «une plus grande implication diplomatique des pays voisins» dans le dossier libyen.
«Le rôle des pays voisins est essentiel parce qu’ils sont les premiers concernés par les risques que fait peser cette crise et qu’ils peuvent jouer un rôle stabilisateur auprès des acteurs libyens, à l’inverse des ingérences des puissances extérieures. En Libye, nous considérons comme l’Algérie qu’il n’y a pas de solution militaire», a-t-il précisé à l’AFP.
Ce rôle stabilisateur, l’Algérie est appelée à le jouer dans les semaines à venir. Selon certaines indiscrétions, après la tenue du Forum du dialogue politique libyen de Tunis, Alger pourrait accueillir une conférence internationale socio-économique pour la Libye. Objectif: reconstruire et remettre sur les rails l’économie d’un pays ravagé par près de dix années de guerre et de terrorisme.