Au Bénin, «sauf miracle», l’opposition absente de l’élection présidentielle?

La candidature du Président Patrice Talon à la présidentielle béninoise d’avril 2021 ne fait presque plus aucun doute. Élu en 2016 sur la promesse de n’effectuer qu’un mandat unique de cinq ans, des réformes du Code électoral lui ont balisé entre-temps le terrain, éliminant toute possibilité, pour l’opposition, d’avoir un candidat sérieux en 2021.
Sputnik

Au Bénin, où les médias font de plus en plus mention d’une candidature imminente de Patrice Talon à sa propre succession, de sérieux doutes planent sur la participation de l’opposition à ce scrutin majeur, prévu au printemps 2021. En effet, les réformes institutionnelles que le Président sortant a réussi à faire passer depuis son accession à la magistrature suprême en mars 2016 –notamment dans la loi électorale et dans la Constitution– laissent penser qu’aucun candidat de l’opposition ne pourrait s’inscrire.

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Selon l’article 138 du nouveau Code électoral adopté à l’unanimité par le Parlement béninois le 14 novembre 2019, mais dénoncé par l’opposition, la validation de toute candidature à la présidentielle est désormais subordonnée à deux principales conditions. Le candidat doit s’acquitter du paiement d’une caution de 50 millions de francs CFA (76.200 euros) et il doit avoir le parrainage d’au moins 10% des élus, députés et maires confondus.

La seconde exigence, que l’on retrouve dans l’article 132 du code, est valable pour les futurs prétendants aux postes de Président et vice-Président de la République, cette dernière fonction ayant été mise en place par une révision constitutionnelle.

«Ce système de parrainage exclut l’opposition béninoise qui ne pourra pas présenter de prétendant face au Président Patrice Talon –dont la candidature à sa propre succession ne fait plus de doute», a commenté le politologue togolais Ekoué Gada, enseignant-chercheur à l’université de Lomé, approché par Sputnik.

L’opposition, le boycott des législatives et le parrainage

En effet, le Bénin compte 83 députés et 77 maires, soit 160 élus habilités à parrainer les prétendants à la magistrature suprême. Chaque candidat devra en totaliser 16 pour être en conformité avec l’article 132 du Code électoral. 

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Le cas échéant, il verra sa candidature rejetée par la Commission électorale nationale autonome (CENA), l’organe qui organise et supervise les élections au Bénin. Or, «la quasi-totalité des députés et des maires est pro-Talon», relève le politologue togolais. En effet, aucun parti de l’opposition ne siège au Parlement du fait du boycott des législatives d’avril 2019, et seulement six mairies sont sous le contrôle de l’opposition.

Le boycott des législatives était intervenu après un premier amendement de la loi électorale introduisant des conditions de candidature jugées restrictives par l’opposition. Celle-ci n’ayant pas réussi à obtenir le retrait des dispositions litigieuses, elle a assisté, sans y prendre part, à un «hold-up électoral», selon les termes qu’elle a employés pour qualifier le scrutin législatif. Quelques mois plus tard, c’est au tour des candidatures à la présidentielle de subir un tour de vis.

«Sauf un miracle, et je doute fort que cela puisse se produire dans le contexte actuel, aucun membre de l’opposition digne de ce nom ne pourra prétendre faire acte de candidature à la présidentielle de 2021. C’est très grave pour la démocratie béninoise!», regrette Ekoué Gada.

Ce constat du spécialiste togolais est partagé dans le pays, et les médias et réseaux sociaux en parlent avec passion.

Cité ce 14 octobre par Banouto, un média en ligne béninois, le député Benoît Dègla du parti Bloc républicain (appartenant à la mouvance au pouvoir), a tenté de rassurer. Il a soutenu qu’il n’était pas exclu que des élus pro-Talon parrainent un candidat de l’opposition à l’élection de 2021 au Bénin.

Quelles options pour l’opposition?

Le parlementaire béninois s’est même référé à la présidentielle française de 2017, et plus particulièrement au parrainage de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon (deux figures majeures de l’opposition) par des élus du parti socialiste et des Républicains. «Ce n’est pas nécessairement parce qu’on a parrainé quelqu’un qu’on est appelé à lui apporter un soutien ouvert, franc et total au point de battre campagne pour lui.»

Le député s’est gardé, toutefois, de se référer à d’autres exemples, plus proches du Bénin, mettant en scène, à côté d’un Président candidat à sa propre succession, des opposants admis dans la course du fait de la seule volonté du prince.

Selon la Constitution du Bénin, l’élection du Président de la République est organisée le deuxième dimanche du mois d’avril de l’année électorale. Un second tour du scrutin se déroule, le cas échéant, le deuxième dimanche du mois de mai.

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Le premier tour aura vraisemblablement lieu durant la première quinzaine d’avril 2021, soit dans exactement six mois. Or, l’article 2 du protocole additionnel de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sur la bonne gouvernance et la démocratie dispose qu’«aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques». Une autre porte qui se ferme, donc, sur des chances éventuelles pour l’opposition de faire changer la donne.

Entre-temps, conclut Ekoué Gada, «Patrice Talon n’arrive plus à affirmer avec la même hargne qu’autrefois qu’il tenait à sa promesse de ne briguer qu’un seul mandat à la tête du pays. Même s’il entretient le flou, tout montre qu’il sera bien candidat et qu’il s’assure d’avoir la voie libre, sans opposition».

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